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Consul de France | |
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Auditeur au Conseil d'État | |
- |
Naissance | Grenoble, Dauphiné, ![]() |
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Décès |
(à 59 ans) Paris, Seine, ![]() |
Sépulture |
Cimetière de Montmartre |
Nom de naissance |
Marie-Henri Beyle |
Pseudonyme |
Stendhal, Henri Stendhal, Stendalis, Louis Alexandre Bombet, Anastase de Serpière, Don Flegme, William Crocodile, Dominique |
Nationalité |
française |
Activité |
Romancier, essayiste |
Période d'activité | |
Rédacteur à |
Journal de Paris, The New Monthly Magazine (en), The London Magazine |
Père |
Chérubin Beyle (d) |
Mère |
Henriette Gagnon (d) |
Fratrie |
Pauline Beyle (d) |
Mouvement |
Romantisme, Réalisme |
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Genre artistique |
Roman psychologique, essai |
Adjectifs dérivés |
« Stendhalien », « Beyliste » |
Distinction |
Chevalier de la Légion d'honneur |
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Henri Beyle, plus connu sous le nom de plume de Stendhal (prononcé [st??.dal] ou parfois [st??.dal]), né le à Grenoble et mort d'apoplexie le dans le 2 arrondissement de Paris, est un écrivain et chroniqueur français, connu en particulier pour ses romans Le Rouge et le Noir et La Chartreuse de Parme.
Stendhal aurait voulu consacrer sa vie à la rêverie, à la « chasse au bonheur », aux arts et à l'amour ; en vérité, il a eu une vie mouvementée. Après la mort d'une mère trop aimée, il souffre d'une enfance étouffante à Grenoble auprès d'un père qu'il méprise et d'un grand-père qu'il adore. Il trouve refuge dans la littérature avant de partir de Grenoble, en 1799, pour aller étudier à Paris. En réalité, il s'est découvert une vocation, et abandonne ses études : il veut être comic bard, il rêve d'écrire des comédies. Ses cousins Daru le forcent à entrer au ministère de la Guerre. C'est ainsi qu'il est envoyé à Milan en . Il découvre, émerveillé, en même temps la guerre, l'Italie, l'opéra, l'amour et le bonheur. Il ne cessera de retourner en Italie entre ses missions administratives. De tempérament timide et romanesque, souffrant de l'hypocrisie de la société de son temps, il invente pour lui-même une « méthode pratique du bonheur », le « beylisme ».
Perdant son emploi au moment de la chute de l'Empire, il se consacre à ses passions : l'Italie, la musique, la peinture. Il écrit un ouvrage dont on résume le titre en Vie de Haydn, Mozart et Métastase, puis il écrit Histoire de la peinture en Italie, dont il perd le premier manuscrit dans la Retraite de Russie, et Rome, Naples et Florence, journal de sensations plutôt que guide touristique. En 1819, son chagrin d'amour pour Matilde Dembowski lui fait écrire un traité, De l'amour, tentative d'analyse du sentiment amoureux, paru en 1822, dont à peine quarante exemplaires seront vendus. C'est à partir de 1827, à l'âge de quarante-quatre ans, qu'il se lance dans le roman, avec Armance, mal compris de ses contemporains ; puis c'est Le Rouge et le Noir, paru juste après la révolution de Juillet 1830, qui lui confère une certaine notoriété, dont il ne profite pas, ayant été nommé consul à Civitavecchia par le gouvernement de Juillet. Malgré l'ennui dans lequel le plongent ses nouvelles fonctions, Stendhal ne cesse d'écrire : il commence des autobiographies (Souvenirs d'égotisme, Vie de Henry Brulard) et des romans (Lucien Leuwen, Lamiel), qu'il n'achève pas. Lors de l'un de ses congés à Paris, il écrit La Chartreuse de Parme, qui suscite l'admiration d'Honoré de Balzac. Il meurt à Paris le , à la suite d'une crise d'apoplexie survenue en pleine rue quelques heures auparavant.
Ses romans de formation Le Rouge et le Noir (1830), La Chartreuse de Parme (1839) et Lucien Leuwen (inachevé) ont fait de lui, aux côtés de Balzac, Hugo, Flaubert ou Zola, un des grands représentants du roman français au XIX siècle. Dans ses romans, caractérisés par un style économe et resserré, Stendhal cherche « la vérité, l'âpre vérité » dans le domaine psychologique, et campe essentiellement des jeunes gens aux aspirations romantiques de vitalité, de force du sentiment et de rêve de gloire.
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« Tout mon malheur peut se résumer en deux mots : jamais on ne m'a permis de parler à un enfant de mon âge. Et mes parents (?) m'honoraient d'une attention continue. Pour ces deux causes, à cette époque de la vie si gaie pour les autres enfants, j'étais méchant, sombre, déraisonnable? ». C'est ainsi que Stendhal résumera son enfance dans Vie de Henry Brulard.
Henri Beyle (Marie-Henri Beyle à l'état civil) naît le , 12 rue des Vieux-Jésuites à Grenoble, fils de Chérubin Beyle (1747-1819), avocat consistorial, et d'Henriette Gagnon. Il avouera dans son autobiographie, Vie de Henry Brulard : « (À six ans) j'étais amoureux de ma mère. [?] Je voulais couvrir ma mère de baisers et qu'il n'y eût pas de vêtements. Elle m'aimait à la passion et m'embrassait souvent, je lui rendais ses baisers avec un tel feu qu'elle était souvent obligée de s'en aller. J'abhorrais mon père quand il venait interrompre nos baisers ». Elle meurt en couches, le , alors qu'il a sept ans. « Là commence ma vie morale », dira Henri. Fou de chagrin, il ne peut pleurer. Sa tante Séraphie lui reproche son insensibilité. On lui explique qu'il s'agit de la volonté divine. Il en deviendra athée.
Le jeune Henri a peu d'estime pour son père, avocat au parlement de Grenoble, homme taciturne, pieux, hypocrite, bourgeois qui ne pense qu'à ses affaires financières. Le précepteur qu'on lui donne, l'abbé Raillane, va détériorer leurs rapports : « Je haïssais l'abbé, je haïssais mon père, source des pouvoirs de l'abbé, je haïssais encore plus la religion au nom de laquelle ils me tyrannisaient ». Entre son père, sa tante Séraphie, « ce diable femelle » et l'abbé Raillane, « ennemi juré de la logique et de tout raisonnement droit », qui l'empêche d'aller se baigner avec les autres enfants par peur de la noyade, le jeune Henri passe une enfance malheureuse atténuée par la présence bienveillante de son grand-père maternel, Henri Gagnon, médecin célèbre de Grenoble, homme des Lumières, « extrêmement aimable et amusant », qui l'initie à la littérature : Molière, Fénelon, Voltaire, Horace, Ovide, Dante, Le Tasse, Cervantès, Saint-Simon? Sa maison place Grenette, avec sa terrasse ensoleillée (voir l'appartement du docteur Gagnon) devient l'antithèse de celle de son père, « étroite, sombre, humide » et, de manière générale, Henri voit dans les valeurs des deux branches de sa famille deux mondes que tout oppose : « Le côté Beyle, c'est le pouvoir, l'avarice, l'insensibilité, l'ombre, le froid, la tristesse, le pédantisme, la vanité, [?] l'affection des parents et les « dangers de la liberté ». Contre eux (les Gagnons), la culture, la gaieté, la lumière, le plaisir, la beauté, la tendresse, la générosité et la fierté, la folie des chimères, rattachés à cette « Italie » dont l'enfant se persuade qu'elle est la patrie des Gagnons [?] ».
Le , le jeune Henri assiste à la journée des Tuiles du balcon de son grand-père, journée qui annonce celles révolutionnaires de 1789. Par aversion pour la tyrannie familiale et la religion, Henri se sent « républicain enragé ». Sa famille est horrifiée de l'exécution de Louis XVI ; lui, exulte. À l'arrivée des représentants du peuple, son père, considéré comme suspect, est incarcéré durant presque un an. Au printemps 1794, un « bataillon de l'Espérance » est créé par les jacobins de Grenoble. Il veut les rejoindre, écrit une fausse lettre officielle, est découvert et grondé. En , il est délivré de l'abbé Raillane qui, ayant refusé de prêter serment, doit s'enfuir, puis en 1797, c'est sa tante Séraphie qui meurt. À l'âge de 14 ans, il se sent enfin libre.
Un an plus tôt, le , à l'âge de 13 ans, il entrait à l'école centrale de Grenoble, type d'école créé par la Révolution pour remplacer les collèges religieux. Il s'y fait, enfin, des camarades de son âge et se passionne pour les mathématiques, science logique par excellence. À l'automne 1798, il fait un coup d'éclat avec ses camarades : ils tirent au pistolet sur l'arbre de la Fraternité. L'adolescence est l'âge des premiers émois où la découverte de l'amour se mêle à celui de la musique : au jardin de ville de Grenoble, il s'éprend d'une comédienne, Virginie Kubly, membre d'une troupe itinérante, qui joue dans des pièces de théâtre ou des opéras. Amoureux fou, il essaye divers instruments de musique et le chant, sans succès.
C'est grâce à un prix en mathématique qu'il peut fuir Grenoble en , à l'âge de 16 ans, pour tenter d'entrer à l'École polytechnique, créée cinq ans plus tôt à Paris.
Henri arrive à Paris au lendemain du coup d'État du 18 Brumaire (). Il est au début un opposant à Bonaparte puis à l'Empire, qu'il raille dans son Journal, et auquel il ne se rallie que plus tard. C'est en réécrivant sa vie qu'il se prétend plutôt « enchanté que le jeune général Bonaparte se fît roi de France. » Il loge près de l'École polytechnique, alors installée rue de l'Université, puisqu'il doit y passer le concours d'entrée. Mais son véritable projet intime est « d'être un séducteur de femme » et d'écrire des comédies. Désirant avec ardeur un c?ur ami, tout en étant extrêmement timide, n'osant parler aux femmes, il se réfugie dans la rêverie : « J'étais constamment profondément ému. Que dois-je donc aimer si Paris ne me plaît pas ? Je me répondais : ?une charmante femme versera à dix pas de moi, je la relèverai et nous nous adorerons, elle connaîtra mon âme [?]? Mais cette réponse étant du plus grand sérieux, je me la faisais deux ou trois fois le jour, et surtout à la tombée de la nuit qui souvent pour moi est encore un moment d'émotion tendre? »
Très gauche, il se présente à son cousin Noël Daru, et à ses fils Pierre, secrétaire général au ministère de la Guerre, et Martial, qui « n'avait ni tête ni esprit, mais un bon c?ur. »
Dans la solitude de sa petite chambre près des Invalides, il déchante. Il n'a nulle envie d'entrer à l'École polytechnique et Paris le dégoûte, à s'en rendre malade : « La boue de Paris, l'absence de montagnes, la vue de tant de gens occupés passant rapidement dans de belles voitures à côté de moi connu de personne et n'ayant rien à faire me donnaient un chagrin profond. » Sa maladie s'aggrave, il est alité, fiévreux, délirant, perd ses cheveux? son cousin Noël Daru lui envoie un bon médecin puis le fait venir auprès de lui, dans son hôtel particulier de la rue de Lille. Lorsque Henri a repris des forces, il essaye d'écrire des comédies, mais doute, hésite avec l'Opéra alors qu'il ne connaît pas les notes, n'arrive à rien? Les repas chez les Daru le mettent au supplice, par manque d'habitude des convenances, par timidité, il n'ouvre pas la bouche, et se déçoit lui-même : « Qu'on juge de l'étendue de mon malheur ! moi qui me croyais à la fois un Saint-Preux et un Valmont [?], moi qui, me croyant une disposition infinie à aimer et être aimé, croyais que l'occasion seule me manquait, je me trouvais inférieur et gauche en tout dans une société que je jugeais triste et maussade, qu'aurait-ce été dans un salon aimable! ». Il multiplie les maladresses, les Daru se demandent s'il est imbécile ou fou. Durant toute cette période, il écrit abondamment à sa jeune s?ur Pauline, sa confidente et son élève. Il essaye de former son esprit, lui conseille de lire, d'apprendre l'Histoire, l'arithmétique, l'orthographe, plutôt que de faire des travaux d'aiguille ou de fréquenter les religieuses. Il fréquente également quelques Grenoblois à Paris comme Mareste, Félix Faure, César Pascal, les frères Périer et leur père Claude Périer Milord qu'il décrit comme « l'avare le plus gai et de la meilleure compagnie ».
Il ne sait que répondre à Noël Daru qui le presse de faire quelque chose, au moins se préparer à passer le concours de Polytechnique de la saison suivante, pour finir par lui imposer, en février, d'aller travailler, sous les ordres de son fils Pierre, au Ministère de la Guerre qui est en train de préparer la Bataille de Marengo. Il se rêvait Don Juan ou auteur de comédie à succès, il se retrouve secrétaire. Les débuts se passent mal : son écriture est illisible, il fait des fautes (il écrit cella au lieu de cela), met trop de « en effet » dans ses lettres, est terrorisé par son cousin, qu'il surnomme le b?uf furibond : « Tout le monde à la Guerre frémissait en abordant le bureau de M. Daru ; pour moi, j'avais peur rien qu'en regardant la porte. ».
Ses souffrances prennent fin le . Il doit rejoindre la grande Armée avec Pierre et Martial Daru en Italie.
« J'étais absolument ivre, fou de bonheur et de joie. Ici commence une époque d'enthousiasme et de bonheur parfait. » : c'est le sentiment général de la traversée de la Suisse et de l'arrivée en Italie dont se souvient Henri lorsqu'il racontera cet épisode en 1836. « Gai et actif comme un jeune poulain », il est heureusement accompagné dans son périple par le capitaine Burelviller qui lui donne des cours d'équitation et le protège des dangers du voyage. Il porte un sabre dont il ne sait pas se servir, monte pour la première fois à cheval, manquant de peu de finir dans un lac, traverse le Grand-Saint-Bernard en longeant des précipices, essuie des tirs au fort de Bard? Malgré cela, tout l'émerveille. Lui qui a été si protégé durant son enfance, est fasciné par la nouveauté du danger et de la situation, par la beauté des paysages : « Je ne demandais qu'à voir de grandes choses. »
Arrivé à Ivrée, il se rend au spectacle où Il matrimonio segreto de Cimarosa l'éblouit d'un « bonheur divin ». À partir de ce moment, « Vivre en Italie et entendre de cette musique devint la base de tous [ses] raisonnements. »
Il arrive à Milan vers le . Immédiatement cette ville devient pour lui « le plus beau lieu de la terre. » À peine arrivé, il croise Martial Daru qui le croyait perdu. Il le conduit à son logement, Casa d'Adda, dont l'architecture, la cour, le salon, les côtelettes panées qu'on lui sert? tout l'enchante. Ne pouvant « peindre le bonheur fou », Stendhal arrêtera là sa Vie de Henry Brulard. C'est par son Journal, commencé en , que l'on connaît son éblouissement pour la ville : la beauté des monuments, des femmes, les cafés, l'opéra surtout, La Scala, au décor fastueux, salon de la ville, où se retrouve toute la bonne société milanaise, chaleureuse, accueillante, tellement éloignée de la froideur et de la vanité parisienne. Le commissaire des guerres pour lequel il travaille, Louis Joinville, lui présente sa maîtresse, Angela Pietragrua, femme magnifique dont il tombe éperdument, et silencieusement, amoureux.
La bataille de Marengo est livrée le . À la suite de la victoire, Henri doit accompagner Pierre Daru à la citadelle d'Arona, sur le lac Majeur. Il en profite pour visiter les îles Borromées. À son retour à Milan, il fréquente à nouveau les bals et les soirées. Tous ses amis ont trouvé des maîtresses italiennes, mais lui, par timidité, par excès de romantisme, et ceci d'une manière plus courante alors, va connaître les femmes par les prostituées.
Le , il est nommé sous-lieutenant au 6 régiment de dragons. En décembre, il est envoyé en garnison près de Brescia. Il s'y ennuie. Il revient à Milan dès qu'il le peut. Au printemps 1801, il tombe malade, probablement la syphilis contractée auprès des prostituées. Il restera fiévreux, avec des périodes de rémission. En , on lui accorde un congé de convalescence. Il revient à Paris début 1802.
Après un passage par Grenoble où il est resté trois mois, il retrouve Paris sous un meilleur jour, puisqu'il continue de recevoir sa solde de sous-lieutenant. Il sort, fréquente les théâtres, les salons, commence à écrire des comédies, étudie le comique, suit des cours de danse, d'anglais, de grec ; il lit beaucoup : Hobbes, Destutt de Tracy, Vauvenargues, Hume, Goldoni, Alfieri... Le , il démissionne de son poste dans l'armée. Son père lui envoie 200 francs par mois, pas assez pour Henri qui dépense pour ses cours, ses livres, son habillement? car, ne se trouvant pas beau, il tient à son élégance. Son manque d'argent le fait souffrir ; il lui attribue sa timidité, son manque d'assurance dans les salons et auprès des femmes : « Un an de luxe et de plaisirs de vanité, et j'ai satisfait aux besoins que l'influence de mon siècle m'a donnés, je reviens aux plaisirs qui en sont vraiment pour mon âme, et dont je ne me dégoûterai jamais. Mais dans ce temps de folie, je me serai défait de ma timidité, chose absolument nécessaire pour que je paraisse moi-même ; jusque-là on verra un être gourmé et factice, qui est presque entièrement l'opposé de celui qu'il cache? » Dans ses lettres, il partage ce qu'il apprend avec sa s?ur Pauline, lui fait part de ses pensées. Il flirte avec sa cousine Adèle Rebuffel? pour finir par coucher avec la mère de celle-ci, Madeleine. Le , le Premier Consul se fait couronner Empereur par le Pape. Réaction méprisante d'Henri qui voit passer le cortège : « cette alliance si évidente de tous les charlatans. La religion venant sacrer la tyrannie, et tout cela au nom du bonheur des hommes. » Il tombe très amoureux de la s?ur de son ami Édouard Mounier, Victorine Mounier, rencontrée à Grenoble.
La connaissant peu, il lui imagine mille qualités et rêve de mariage : « Si j'allais dans les mêmes sociétés qu'elle, je suis sûr qu'elle m'aimerait, parce qu'elle verrait que je l'adore et que j'ai une âme, belle comme celle que je lui suppose, que son éducation [?] doit lui avoir donné, et qu'elle a sans doute ; et il me semble qu'une fois que nous nous serions sentis, et combien le reste du genre humain est peu propre à mériter notre amour et à faire notre bonheur, nous nous aimerions pour toujours. » Il écrit d'abord à son frère, dans l'espoir qu'il fera lire les lettres à sa s?ur puis à Victorine elle-même, sans recevoir de réponse.
Il prend des cours de déclamation chez Dugazon, afin de bien lire les vers. Il y rencontre Mélanie Guilbert, dite Louason, jeune comédienne, qui lui fait oublier Victorine. Il en tombe progressivement très amoureux. Très intimidé, « [il] n'a pas l'esprit d'avoir de l'esprit » en sa présence. Ils se voient tous les jours et s'embrassent beaucoup, mais Mélanie ne veut pas d'un amant de peur de se retrouver enceinte. Henri « commence à [s]'accoutumer au bonheur. » Ils sont amants le , lorsqu'il la rejoint à Marseille où elle a obtenu un rôle au Grand Théâtre. À Marseille, il tente de se faire banquier, avec son ami Fortuné Mante, mais, son père ayant refusé de lui prêter les fonds nécessaires, c'est un échec. Sa vie de couple avec Mélanie finit par le lasser, il la trouve bête, tyrannique et geignarde, mais c'est elle qui part en . Ennuyé par la ville, dés?uvré, ruiné, il rentre à Paris le , renoue ses relations avec la famille Daru, leur demande un poste, qu'il obtient. Vers le , il est reçu franc-maçon. Le , il suit Martial Daru en Allemagne.
Le , Henri écrit à sa s?ur Pauline : « Nous allons à Cobourg, mais l'empereur est sans doute bien en avant. Nous allons d'ici à Mayence, de Mayence à Wurtzbourg, de Wurtzbourg à Bamberg, de là, à Cobourg et de là, à la gloire. » Le , Napoléon entre à Berlin, où Henri arrive peu après. Le 29, Henri est nommé adjoint aux commissaires des guerres et envoyé à Brunswick, où il arrive le . Accaparé par son emploi, il trouve tout de même le temps de suivre des cours d'équitation, de tirer au pistolet, d'aller au théâtre, au café concert, à des bals? et de tomber amoureux de Wilhelmine von Griesheim, la fille de l'ancien gouverneur de la ville, tout en couchant avec d'autres femmes. Il croit être heureux. Il n'aime pourtant ni la nourriture allemande composée de pain noir, de choucroute et de bière (« Ce régime rendrait flegmatique l'homme le plus emporté. À moi, il m'ôte toute idée. »), ni leurs édredons, ni leur culture (il ignore Novalis, Hölderlin, Hegel?). Par contre, il s'enthousiasme pour Mozart. Pauline, après avoir suivi les injonctions à la liberté prodiguées par son frère un peu trop à la lettre (elle se promène à Grenoble en habit d'homme), rentre dans le rang et se marie à François Daniel Perrier-Lagrange le .
Le , il reçoit l'ordre de regagner Paris. Un médecin lui confirme sa syphilis. Il doit suivre un traitement rigoureux. Le , l'armée autrichienne passe à l'offensive, Henri doit retourner en Allemagne. Il est affligé du spectacle de la guerre à Ebersberg, ville et corps brûlés. Napoléon entre dans Vienne le . Henri passe sous les ordres de Martial Daru, intendant de la province de Vienne. D'abord enchanté par le climat et la musique, il finit par s'ennuyer à mourir dans son emploi. En octobre, il pense plaire à Alexandrine Daru, l'épouse de Pierre, sans parvenir à la courtiser, il ne sait comment prendre « ce ton galant qui permet de tout hasarder, parce que rien n'a l'air d'être dit sérieusement. » Comme à son habitude, il prend une maîtresse plus accessible. Le il demande à être envoyé en Espagne. Sans attendre la réponse, il part pour Paris.
À Paris il retrouve Alexandrine Daru, dont il tente d'interpréter le moindre geste comme une preuve d'intérêt pour lui. Martial le propose comme auditeur au Conseil d'État, son père lui fournissant le revenu nécessaire à la fonction. Profitant d'un moment d'inactivité, Henri lit, fréquente les cafés et les salons où il éprouve « la plus grande quantité d'ennui pur. » Le , on lui ordonne de rejoindre Lyon. Il décide d'ignorer cet ordre, et continue à fréquenter les théâtres, à lire, à se promener, et à écrire : il reprend sa comédie qu'il ne finira jamais, Letellier. Il projette d'écrire des biographies de peintres ou de musiciens afin de pallier les ignorances de ses contemporains. Il alterne moments de bonheur et mélancolie. Il lui manque une maîtresse et les îles Borromées.
Il est officiellement nommé auditeur au Conseil d'État par décret le , puis, le , il devient inspecteur de la comptabilité des Bâtiments et du Mobilier de la Couronne Il est chargé de l'inventaire des ?uvres d'art des musées et palais impériaux. Il s'est acheté un cabriolet à la mode, des cachets à ses initiales, loue un appartement plus conforme à son nouveau statut, qu'il partage avec un beau jeune homme, Louis de Bellisle. Sa situation sociale met fin à ses soucis financiers et lui fait espérer la baronnie, mais le laisse insatisfait : « Ce bonheur d'habit et d'argent ne me suffit pas, il me faut aimer et être aimé. » Et puis cet emploi lui prend son temps, ses moments de plaisir et de réflexion : « Les affaires me pillent mon temps, je n'en ai pas pour huit à dix heures de travail ; cependant, je ne puis pas suivre un travail particulier. Le travail de réfléchir, du moins pour moi, ne se prend pas et ne se quitte pas comme un habit : il faut toujours une heure de recueillement, et je n'ai que des moments ».
Depuis le , il passe ses nuits avec Angelina Bereyter, une chanteuse d'opéra. Il ne peut s'empêcher d'y voir des inconvénients : « Mon bonheur physique avec Angela m'a ôté beaucoup de mon imagination . » Il rêve toujours d'Italie et voudrait qu'on l'envoie en mission à Rome, mais c'est Martial Daru qui y est envoyé. Le , il invente pour lui-même la notion de « Beylisme » dans son Journal : « Crozet est toujours amoureux d'A., conduisant sa barque comme un niais, et il en est triste et attristant. C'est ce que je lui dis sans cesse à lui-même pour le rendre un peu beyliste. Mais il regimbe. La volupté n'aura jamais en lui un adorateur véritable, et il me semble presque irrévocablement dévoué à la tristesse et à la considération qu'elle procure chez ce peuple de singes. »
Le il trouve enfin le courage, après de longues hésitations qui le tourmentent, d'oser se déclarer à Alexandrine, lors d'un séjour dans le château des Daru de Becheville : Elle est troublée, mais lui répond qu'il ne doit voir en elle qu'une cousine qui a de l'amitié pour lui. Il va se coucher, partagé entre la peine et le soulagement de n'avoir plus de remords. Au moment de quitter Becheville, il tente de plaisanter malgré son chagrin : « J'avais besoin de rire, car je me sentais une violente envie de pleurer. » Triste, déçu, ennuyé par Angelina Bereyter qu'il ne désire plus, il demande, en août, un congé de quelques jours à Pierre Daru. En réalité, il a pris une place dans une diligence pour Milan.
Il arrive à Milan le , y retrouve les émotions de sa jeunesse mêlé au souvenir d'Angela Pietragrua: « Je ne puis faire un pas dans Milan sans reconnaitre quelque chose, et, il y a onze ans, j'aimais ce quelque chose parce qu'il appartenait à la ville qu'elle habitait. » Il se rend chez elle et lui avoue l'avoir aimée. Elle en est touchée et l'introduit dans les meilleurs salons de la ville. Ils se voient régulièrement, chez elle dans la journée, à la Scala le soir. Henri est à nouveau amoureux. Il est furieux contre lui-même de ne pas oser se déclarer, et finit, le , par tout lui confier. Ils s'embrassent, mais elle ne veut aller plus loin. Henri est déçu : « Elle m'aime et l'ennui me saisit. C'est avoir en soi un principe de malheur. » Il décide de partir le pour visiter l'Italie. Victoire juste avant son départ : le 21 ils sont amants. Il en inscrit la date et l'heure sur ses bretelles.
Il visite Bologne et Florence. À Florence, visitant l'église Santa Croce dans l'état amoureux où l'a plongé Angela, le c?ur battant, il éprouve ce qui deviendra le «Syndrome de Stendhal» : «Là, assis sur le marche-pied d'un prie-Dieu, la tête renversée et appuyée sur le pupitre, pour pouvoir regarder au plafond, les Sibylles du Volterrano m'ont donné peut-être le plus vif plaisir que la peinture m'ait jamais fait. J'étais déjà dans une sorte d'extase, par l'idée d'être à Florence, et le voisinage des grands hommes dont je venais de voir les tombeaux. Absorbé dans la contemplation de la beauté sublime, je la voyais de près, je la touchais pour ainsi dire. J'étais arrivé à ce point d'émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les beaux-arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j'avais un battement de c?ur, ce qu'on appelle les nerfs à Berlin ; la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber.»
À Rome il est bouleversé par le Colisée. Il y rencontre Martial Daru, qui le presse de rentrer à Paris où son congé prolongé n'est pas du goût de son frère, Pierre. Mais Henri poursuit sa route et arrive à Naples début octobre. S'il n'aime pas le peuple napolitain, qu'il juge bruyant, ni la musique, ennuyeuse, il gardera un souvenir impérissable du Pausilippe. Après avoir visité Pompei et Herculanum, il rentre à Milan, visite Parme et revoit les îles Borromées. Il retrouve Angela à Varèse. Elle est inquiète, prétendant que son mari est au courant de leur liaison. Henri soupçonne plutôt un autre amant. Il rentre à Paris le . L'accueil glacial de Pierre Daru ne l'empêche pas de retrouver ses activités à l'intendance de la Maison de l'Empereur, ainsi que sa vie de couple avec Angelina Bereyter, qui l'ennuie toujours un peu.
Le , Henri commence l'écriture de l'Histoire de la Peinture en Italie, se documentant à la Bibliothèque Impériale. Mais la guerre avec la Russie se prépare. Elle est officielle le , avec l'ultimatum d'Alexandre I.
Le , Henri se met en route, appelé par Pierre Daru, chargé de courriers et de paquets pour l'Empereur. Il rêvait d'action, de repartir en campagne, mais il ne peut s'empêcher de maugréer contre les sots qui l'entourent, la poussière de la route, le manque d'eau, de livres? et l'absence de linge de rechange : « Dans cet océan de barbarie, pas un son qui ne réponde à mon âme ! Tout est grossier, sale, puant au physique et au moral. » Il s'extasie en revanche devant l'incendie de Smolensk qui vient d'être bombardée. Après la sanglante bataille de Borodino, l'armée pénètre dans un Moscou désert le . Les incendies éclatent peu après dans toute la ville. L'armée française pille les maisons dont les vitres éclatent sous la chaleur. Au lieu de voler du vin ou de la nourriture, Henri prend un volume des Facéties de Voltaire. L'armée est obligée de quitter la ville.
« Nous sortîmes de la ville, éclairée par le plus bel incendie du monde, qui formait une pyramide immense qui était comme les prières des fidèles : la base était sur la terre et la pointe au ciel. La lune paraissait, je crois, par-dessus l'incendie. C'était un grand spectacle, mais il aurait fallu être seul pour le voir. Voilà la triste condition qui a gâté pour moi la campagne de Russie : c'est de l'avoir faite avec des gens qui auraient rapetissé le Colisée et la mer de Naples. »
Fiévreux, pris d'une rage de dent, il a une révélation (en italien) : ce qu'il désire faire naître un jour, c'est un « mélange d'allégresse et de tendresse », comme Cimarosa. Le , alors que Napoléon attend toujours des nouvelles du tsar, il est chargé de la direction des approvisionnements de réserve et des réquisitions. Il retourne à Smolensk le , avec 1 500 blessés, puis repart immédiatement pour Vilna. Durant le trajet, il se fait attaquer par des cosaques, et perd le manuscrit de L'Histoire de la Peinture en Italie. Le froid terrible (températures de ?40 °C), la faim, la fatigue ont réduit la Grande Armée en miettes. Henri a la bonne idée de passer la Bérézina le , la veille de la bataille (pourtant victorieuse) et du désastre qui s'ensuivit : les ponts brûlés, les blessés abandonnés. Le , il part pour Dantzig puis rejoint Berlin. Il est à Paris le .
S'il a survécu à la Campagne de Russie, les souffrances de cette campagne l'ont vieilli et rendu amer : « Je suis actuellement dans un état de froideur parfait, j'ai perdu toutes mes passions », même si plus tard, auprès de ses amis, il fanfaronne en disant avoir pris la retraite « comme un verre de limonade. » Il a perdu goût à tout, hormis à la nourriture, comme s'il rattrapait la période de jeûne forcé en Russie. Il retravaille Letellier, n'ayant pas le courage de recommencer L'Histoire de la Peinture en Italie. Il est pressenti pour recevoir une préfecture, comme tous ses collègues, ce qui le laisse perplexe : « Je serai un peu humilié de n'avoir rien ; d'un autre côté, être préfet autre part que dans les quatorze départements italiens est entièrement contre mes goûts les plus chers. »
La guerre reprend, mais Henri n'a nulle envie d'y participer. Il est pourtant envoyé à Mayence le . Le c'est la guerre à Bautzen : « tout ce qu'on peut voir d'une bataille, c'est-à-dire rien. » Il voudrait qu'on l'envoie à Venise en attendant l'armistice, mais on l'envoie à Sagan. Pris de fièvre, il est envoyé en convalescence à Dresde, puis il peut enfin regagner à Paris le . Il en profite pour aller à Milan où il arrive début septembre. Le plaisir n'est plus le même, Angela a peut-être un amant, sans oser le lui avouer. Il en profite pour explorer Venise et le lac de Côme. Le son grand-père Gagnon meurt. Le il doit rentrer en France et rejoindre Grenoble s'occuper de la conscription. Le il arrive à Saint-Julien et de là il se rend à Carouge, où le général comte Marchand, commandant en chef de la 7 division militaire, avait établi le quartier général de la petite armée française. Il a été envoyé à Carouge en mission, pour s'assurer des besoins de l'armée et du fonctionnement des services, par le sénateur comte de Saint-Vallier, commissaire extraordinaire chargé des mesures à prendre contre l'invasion du territoire français par les armées des puissances alliées. L'objet de sa mission rempli, il quitte Carouge après un séjour de trente-six heures, et retourne à Grenoble, auprès du commissaire extraordinaire. Henri tombe à nouveau malade. Il retourne à Paris fin . Il assiste, indifférent, aux batailles qui font rage autour de la ville. Le , l'Empereur abdique. Henri écrira plus tard : « Je tombai avec Napoléon en avril 1814. [?] Qui le croirait ! quant à moi personnellement, la chute me fit plaisir. »
Louis XVIII entre dans Paris le . Henri tente vaguement de proposer ses services au nouveau pouvoir, mais « trente mille nobles affluent par toutes les diligences pour tout demander. » N'ayant plus rien à faire en France, il part à nouveau pour Milan.
Henri arrive à Milan le . Angela l'accueille très froidement, arguant que les Français sont mal vus à Milan depuis le retour des Autrichiens au pouvoir. Il pense à nouveau que cela cache un amant. Il lui propose de partir ensemble à Venise, elle se dérobe. Il part pour Gênes. Il visite Livourne, Pise, Florence? À son retour à Milan, Angela veut mettre un terme définitif à leur relation. Il hésite à se brûler la cervelle, mais se met plutôt au travail. Il termine Vies de Haydn, Mozart et Métastase qui sera publié en janvier 1815 sous le nom de Bombet, et reprend son Histoire de la peinture en Italie. Il est rapidement accusé de plagiat pour Vies de Haydn, Mozart et Métastase par le musicologue italien Giuseppe Carpani, auteur d'un essai sur Haydn. Pourtant coupable (il en a, en réalité, plagié bien d'autres), Henri lui répond dans la presse, se faisant passer pour son frère, avec humour et mauvaise foi : « je prierais encore M. Carpani de nous dire s'il aurait la charmante prétention d'avoir servi de modèle au style plein de grâce, plein d'une sensibilité sans affectation, et qui n'exclut pas le piquant qui, peut-être, est le premier mérite de l'ouvrage de M. Bombet. »
Au printemps 1815, le retour de Napoléon ne l'incite pas à revenir en France. La défaite de Waterloo lui fait dire que « tout est perdu, même l'honneur. » En , il est sous le charme de Venise. Il ne désespère pas d'y faire venir Angela, mais, après une brève réconciliation, « l'amour est tué le 15 octobre 1815. » Revenu malade à Milan, il achève l'Histoire de la peinture en Italie entre deux saignées et crise de palpitations.
Il est présenté à Ludovico di Breme, dont la loge à la Scala est fréquentée par l'élite intellectuelle Milanaise: Silvio Pellico, Vincenzo Monti? Grâce à ces nouvelles rencontres, il découvre en septembre 1816, l'Edinburgh Review et un compte rendu de trois poèmes de Lord Byron, Le Corsaire, Le Giaour et La fiancée d'Abydos. C'est une révélation : « Henri comprend que le véritable « système romantique » n'est pas allemand ; il est anglais et c'est celui que Byron met en ?uvre, en célébrant les passions fortes. [?] C'est l'Edinburgh Review qui lui ouvre la perspective d'une définition dynamique du beau moderne, conçu non pas comme la perfection des formes, mais comme une énergétique passionnelle. » C'est donc, intimidé et très ému, qu'il rencontre Lord Byron, le dans la loge de Ludovico di Breme. Il le décrit à son ami Crozet : « un joli et charmant jeune homme, figure de dix-huit ans, quoiqu'il en ait vingt-huit, profil d'un ange, l'air le plus doux. [?] C'est le plus grand poète vivant?. » Durant les jours qui suivirent, Henri lui fait visiter Milan. Il tente de l'impressionner en lui racontant des anecdotes fantaisistes sur la campagne de Russie et Napoléon, dont il fait croire qu'il était très proche.
En avril 1817, il se rend à Paris, après un passage par Grenoble, pour donner son manuscrit à Pierre Didot. En août, il visite Londres. À son retour à Paris, sont parus l'Histoire de la peinture en Italie, sous son vrai nom, et Rome, Naples et Florence sous le pseudonyme de Stendhal. En , il retourne à Milan accompagné de sa s?ur Pauline qui vient de perdre son mari. Il entreprend une Vie de Napoléon à partir de février 1818 pour répondre aux ouvrages de Madame de Staël.
En , son ami Giuseppe Vismara, lui présente Matilde Dembowski. Son admiration pour celle qu'il appelle Métilde le paralyse de timidité et de maladresse : « Je n'ai jamais eu le talent de séduire qu'envers les femmes que je n'aimais pas du tout. Dès que j'aime, je deviens timide et vous pouvez en juger par le décontenancement dont je suis auprès de vous ». Dans un premier temps Matilde se montre touchée par cette adoration silencieuse. Mais subitement, elle se refroidit, probablement parce que sa cousine, Francesca Traversi, aurait dépeint Stendhal comme un séducteur.
Au printemps 1819 Stendhal ruine tous ses espoirs en suivant sous un déguisement, Matilde, qui était allée voir ses fils à Volterra. Elle ne le lui pardonnera pas, malgré ses nombreuses lettres d'excuses et n'acceptera de le revoir que sous certaines conditions très strictes.
Le , apprenant le décès de son père, il part pour Grenoble, puis regagne Paris jusqu'en octobre. Fin décembre, de retour à Milan, il commence De l'amour, pour exprimer tout ce que lui fait éprouver Matilde, véritable essai de psychologie, dans lequel il expose sa théorie de la « cristallisation ». En 1821 éclate une révolution dans le Piémont contre l'occupant autrichien. Parce qu'il est accusé de sympathie pour le carbonarisme il est expulsé de Milan par l'administration autrichienne. Il se voit obligé de quitter Matilde qu'il aime pour regagner Paris qu'il n'aime pas. Mathilde est le personnage qu'il présente dans Le Rouge et le Noir en y faisant référence.
Fin , il est de retour à Paris, presque ruiné après le décès de son père, déprimé par ses adieux à Matilde : « Je quittais Milan pour Paris le ? , avec une somme de 3 500 Francs, je crois, regardant comme unique bonheur de me brûler la cervelle quand cette somme serait finie. Je quittais, après trois ans d'intimité, une femme que j'adorais, qui m'aimait et qui ne s'est jamais donnée à moi. » Pour tenter de l'oublier, il fréquente assidument ses amis Adolphe de Mareste et Joseph Lingay. Il racontera dans Souvenirs d'égotisme son fiasco auprès d'une belle prostituée du nom d'Alexandrine, encore obnubilé par Matilde, puis sa guérison lors d'un séjour à Londres où il va « chercher un remède au Spleen », auprès d'une douce et jeune Anglaise.
À Paris, il passe ses soirées à l'opéra ou dans les salons de la gauche Libérale d'Antoine Destutt de Tracy, de La Fayette (Libéraux qu'il trouve « outrageusement niais »), de royalistes comme Madame Ancelot, de savants comme le baron Cuvier, de peintres comme le baron Gérard, ainsi que le cénacle d'Etienne-Jean Delécluze. Il est admiré pour sa manière de raconter des histoires, mais choque par ses sarcasmes, ses boutades, ses provocations politiques, ses idées jacobines? Il fréquente beaucoup aussi celui de Giuditta Pasta, cantatrice Italienne avec qui on lui prête, à tort, une liaison ; il s'installe d'ailleurs dans le même immeuble, rue de Richelieu. En réalité, c'est pour y entendre les Carbonari en exil, y parler italien et, parfois, évoquer Matilde. Son ami Lingay lui présente le jeune Prosper Mérimée, avec qui il nouera une amitié ambivalente faite de complicité et de méfiance.
En 1822 il publie dans l'indifférence générale, De l'amour, après avoir récupéré le manuscrit égaré pendant plus d'un an. Il prend ardemment la défense du Romantisme avec Racine et Shakespeare, pamphlet en faveur de la modernité en littérature et dans tous les arts, ainsi qu'une Vie de Rossini en 1823, ouvrages qui le font connaître. Il se lie également à Paris avec le botaniste Victor Jacquemont, qui décrit sa façon de séduire les femmes en leur parlant de ses ouvrages politiques et littéraires, et le surnomme pour cela Jemoi dans sa correspondance avec Achille Chaper. Stendhal consulte à plusieurs reprises Jacquemont sur ses ?uvres, et ce dernier est l'auteur des dernières pages de De l'amour.
Afin de gagner sa vie, il entame une intense activité de journaliste. De 1824 à 1827, il écrit des articles pour le Journal de Paris, sur les Salons et sur le Théâtre Italien. De 1822 à 1829, il collabore à diverses revues britanniques : Paris Monthly Review, New Monthly Magazine, London Magazine . Ses chroniques portent sur la vie politique, les faits divers, les m?urs, la culture de la société française sous la Restauration.
Cette époque est aussi celle des amours tumultueuses : Clémentine Curial, la fille de son amie la comtesse Beugnot, qui l'avait déjà troublé en 1814, lorsqu'il l'avait vue pieds nus chez sa mère, attend longuement de lui une déclaration : « Ma mélancolie regardait avec plaisir les yeux si beaux de M Berthois [Clémentine Curial]. Dans ma stupidité, je n'allais pas plus loin. » Il finit par lui avouer ses sentiments en . Jusqu'en 1826 ils s'aiment, s'écrivent, se déchirent. Elle le cache trois jours dans la cave de son château en , le nourrissant, vidant son pot de chambre? C'est elle qui le guérit définitivement de Matilde : « alors seulement le souvenir de Métilde ne fut plus déchirant, et devint comme un fantôme tendre et profondément triste. »
En , c'est Alberthe de Rubempré, femme très belle et très libre, cousine de Delacroix, qui devient sa maîtresse. Il a avec elle une relation torride et de courte durée. Au retour d'un voyage en Espagne, en , il la retrouve dans les bras de son ami Mareste.
En , c'est une jeune fille italienne, Giulia Rinieri qui lui déclare son amour « Je sais bien et depuis longtemps que tu es laid et vieux, mais je t'aime. » C'est chez elle qu'il passera la nuit du , où il assistera à la révolution de Juillet de son balcon.
Il s'agit d'une période intellectuellement très féconde : il publie son premier roman, Armance, en 1827, mal compris et mal reçu, dont le thème, l'impuissance, lui est fourni par le roman de son amie Claire de Duras, Olivier, ou le secret. En 1829 c'est Promenades dans Rome. Tout en écrivant de nombreuses nouvelles (Vanina Vanini, Le coffre et le revenant, Le philtre), il commence à écrire son second roman, Le Rouge et le Noir. Il en corrige les épreuves durant les journées de Juillet. Il paraît le , alors qu'il est déjà parti en Italie.
Alors que sa notoriété naissante et le courage des Parisiens lors de la révolution de Juillet commençaient à lui faire aimer Paris, il doit quitter la France.
Ses amis ont parlé de lui au comte Molé, ministre des Affaires étrangères de Louis-Philippe. Nommé consul à Trieste, il part le , jour où il demande la main de Giulia Rinieri, à son oncle. Elle ne lui sera pas accordée. Metternich lui refuse l'exequatur, à cause de ses positions libérales et de son mépris des Autrichiens qui transparaît dans Rome, Naples et Florence. En attendant qu'on lui trouve un autre poste, il se rend à Venise, où il fréquente le salon de la comtesse Albrizzi. En raison de son éloignement, il ignore la réception du Rouge et le Noir. Admiré par Sainte Beuve, il est honni par Victor Hugo : « chaque fois que je tente de déchiffrer une phrase de votre ouvrage de prédilection (répondant à Rochefort, admirateur du Rouge), c'est comme si on m'arrachait une dent? Stendhal ne s'est jamais douté un seul instant de ce que c'était que d'écrire. »
Il est finalement nommé en 1831 à Civitavecchia, seul port des États pontificaux, « trou abominable » de sept mille cinq cents habitants, dont mille forçats. Là, il est terrassé par l'ennui et la bêtise : aucun salon, aucun ami, aucune jolie femme, aucune discussion intellectuelle. Il se donne du courage avec son mot d'ordre, « SFCDT (Se Foutre Carrément De Tout) » et en commençant plusieurs romans : Une Position sociale en ; deux essais d'autobiographie, Souvenirs d'égotisme de juin à ; Lucien Leuwen en , la Vie de Henry Brulard en . Il n'en termine aucun. Il écrit pour lui seul car il a décidé, en de ne rien publier tant qu'il serait fonctionnaire, par crainte de déplaire à sa hiérarchie : « Je me fais plat, j'écris peu ou point? Tout mon but est d'être moral comme un sous-chef de bureau ». Pour s'occuper, il participe aux fouilles archéologiques menées par son ami Donato Bucci, se rend fréquemment à Rome, voyage à Florence, Naples? Il va souvent à Sienne rejoindre Giulia Rinieri. Leur liaison continue jusqu'en , lorsqu'elle est obligée de se marier. En , il obtient un congé de trois ans en France, jusqu'en , qui lui permet d'écrire ses Chroniques Italiennes et La Chartreuse de Parme. Cela lui permet aussi de faire des voyages en France, en Suisse, aux Pays-Bas, et d'en tirer le livre Mémoires d'un touriste. À Paris, il retrouve, une fois de plus, Giulia, qui éprouve toujours pour lui beaucoup de tendresse.
En , changement de gouvernement, Stendhal n'est plus sous la protection du comte Molé, il doit retourner à son poste. Le , paraît La Chartreuse de Parme, qui remporte un vif succès (1 200 exemplaires vendus en dix-huit mois) puis L'Abbesse de Castro et trois autres chroniques en décembre de la même année. Entretemps, il avait commencé Lamiel, le Rose et le Vert (qui restera inachevé) et repris une Vie de Napoléon. Revenu à Civitavecchia le , il est à nouveau malade d'ennui. Puis il devient réellement malade, étant frappé d'une syncope le . Cela ne l'empêche pas de tomber amoureux d'une certaine Earline (peut-être la comtesse Cini, une de ses admiratrices) en février, ni de revoir Giulia à Florence.
En , un article élogieux d'Honoré de Balzac sur la Chartreuse de Parme l'étonne, l'amuse et lui fait plaisir. Une autre attaque d'apoplexie le frappe en . Le , il retourne à Paris pour se reposer. Se sentant mieux, il s'engage le , à fournir des nouvelles à la Revue des Deux-Mondes, juste avant d'être victime d'une nouvelle attaque, le lendemain vers sept heures du soir, au coin du boulevard des Capucines et de la rue Neuve-des-Capucines, devant le ministère des Affaires étrangères de l'époque, alors qu'il sortait d'un rendez-vous avec son ministre de tutelle François Guizot. Il meurt à son domicile parisien, Hôtel de Nantes au 78, rue Neuve-des-Petits-Champs (devenu 22, rue Danielle-Casanova), le à deux heures du matin.
Sa dépouille est inhumée au cimetière de Montmartre à Paris en présence de trois amis malgré son v?u testamentaire d'être enterré à Andilly, où il avait séjourné. Comme ultime provocation, il avait dès 1821 composé lui-même son épitaphe en italien Arrigo Beyle Milanese Scrisse Amò Visse (« Henri Beyle. Milanais. Il écrivit, Il aima, Il vécut ») que fait graver Romain Colomb, son cousin et ami d'enfance, exécuteur testamentaire. Méprisé et raillé par son siècle, il ne connaîtra qu'un succès posthume comme il l'avait prédit : « Je serai connu en 1880. Je serai compris en 1930 ». Le médaillon de sa tombe a été réalisé par Auguste Rodin.
Lorsque Stendhal fera le bilan de sa vie dans Vie de Henry Brulard en 1835, il écrira ceci :
« L'état habituel de ma vie a été celui d'amant malheureux, aimant la musique et la peinture [?] Je vois que la rêverie a été ce que j'ai préféré à tout, même à passer pour homme d'esprit. »
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