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Nom de naissance | Marie Rose Emma Gabrielle Roy |
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Naissance |
Saint-Boniface, Canada |
Décès |
(à 74 ans) Québec, Canada |
Activité principale |
Romancière, nouvelliste |
Distinctions |
Prix de la langue-française (1946) Prix Femina (1947) |
Langue d'écriture | Français |
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Genres |
Roman, nouvelle, conte, autobiographie |
?uvres principales
Gabrielle Roy, née le à Saint-Boniface (Manitoba) et morte le à Québec, est une romancière canadienne-française. Institutrice de formation reconvertie en journaliste, rien ne la prédestinait à devenir l'une des plus importantes figures de la littérature canadienne. En 1945, elle connaît un succès fulgurant après la publication de Bonheur d'occasion, un roman qui brosse le portrait saisissant des classes populaires montréalaises durant la Seconde Guerre mondiale. Inspiré par les reportages de Gabrielle Roy dans le quartier ouvrier de Saint-Henri, ce roman est considéré comme le premier roman urbain de la littérature québécoise, qu'il contribue à faire rayonner internationalement par le biais d'une quinzaine de traductions.
Constituée d'une trentaine de romans et de recueils de contes et de nouvelles, acclamée par la critique et chérie du grand public, l'?uvre de Gabrielle Roy est à la fois romanesque, intime et autobiographique. Sensible aux enjeux de la condition humaine et de l'identité, inspirée par la destinée des Franco-Manitobains, mais intimement liée au Québec, cette ?uvre est aujourd'hui un monument incontournable de la littérature canadienne d'expression française.
Marie Rose Emma Gabrielle Roy est née le 22 mars 1909 à Saint-Boniface (Winnipeg), au Manitoba. Elle est issue d'une famille québécoise qui a immigré dans l'Ouest canadien au courant du XIX siècle. Son père, Léon Roy, est un agent de colonisation ayant quitté la rive sud du fleuve Saint-Laurent, en face de Québec, pour s'exiler en Nouvelle-Angleterre avant d'atterrir au Manitoba. Sa mère, Mélina Landry, s'expatrie en 1881 avec ses parents cultivateurs, attirés dans l'Ouest canadien lors de la « Ruée vers l'Or blond » (le blé).
Gabrielle Roy est la benjamine d'une famille de onze enfants. Elle grandit dans un foyer où le père est souvent absent, physiquement et psychologiquement. La jeune Gabrielle est beaucoup plus proche de sa mère, avec qui elle entretient une relation fusionnelle durant ses années d'enfance. Les Roy vivent parmi d'autres familles canadiennes-françaises catholiques dans un contexte politique où la discrimination à l'égard de la minorité francophone du Manitoba s'accentue. Gabrielle est toutefois tenue à l'écart de ces enjeux, baignant dans une innocence et une « impression de sécurité » :
« Ce que je me rappelle le mieux des premières années de ma vie à Saint-Boniface, [...] cette sécurité que donne à la vie un passé entretenu par des récits, des souvenirs, par un ordre social et moral éprouvé. Je me rappelle: on entendait presque toujours dans un coin ou l'autre de la ville tinter la cloche d'un couvent ou d'une chapelle. [...] Toujours, par les trottoirs de notre ville, il me semble que l'on voyait passer des enfants menés deux par deux à la promenade par des religieuses dont on entendait les chapelets cliqueter. Au-dessus de la rivière Rouge aux eaux brunâtres et lourdes s'envolait l'appel des cloches de la cathédrale, cependant que les mouettes [...] volaient presque parmi les tombes du cimetière qui s'avançaient tout près des berges. [...] J'aimais bien [...] qu'elles viennent jusqu'au milieu d'un continent nous environner d'un sentiment du large, d'une espèce d'angoisse des îles. Car nous étions bien comme dans une île, nous de Saint-Boniface, assez seuls dans l'océan de la plaine et de toutes parts entourés d'inconnu. »
En 1915, à l'âge de six ans, Gabrielle Roy commence son éducation à l'académie Saint-Joseph, une école de filles tenue par les S?urs des Saints Noms de Jésus et de Marie. Ses premières années d'étude sont ardues. Accablée par des problèmes de santé, au point où son père la surnomme « Petite Misère », elle n'aime pas particulièrement étudier et doit souvent s'absenter de l'école. De plus, à partir de 1916, la loi Thornton fait de l'anglais l'unique langue d'enseignement du Manitoba, interdisant de ce fait aux franco-manitobains l'accès à une éducation francophone. Malgré l'imposition d'un nouveau programme, les s?urs de l'académie Saint-Joseph réussissent, clandestinement, à maintenir l'enseignement du français.
Pour des raisons que son biographe, François Ricard, ne s'explique pas tout à fait, Gabrielle Roy devient une élève modèle à partir de la septième année (1923-1924), multipliant les bonnes notes et finissant systématiquement première de classe. Après avoir fait ses études primaires et secondaires à l'académie Saint-Joseph, elle décide de se consacrer à l'enseignement. En septembre 1928, quelques mois avant la mort de son père, elle s'inscrit à l'École normale supérieure de Winnipeg pour une formation d'une durée d'un an. Après ses études, elle enseigne dans les écoles rurales de Marchand et de Cardinal et à l'École Provencher à Saint-Boniface, où elle enseigne en anglais à une classe de première année. Elle occupera ce poste pendant sept ans.
À Provencher, en pleine Grande Dépression, Gabrielle Roy jouit d'une situation confortable, logeant chez sa mère et bénéficiant d'un salaire d'environ 100 $ par mois. Il s'agit là d'un grand privilège, notamment parce que l'Institut Provencher est la seule école francophone de Saint-Boniface à embaucher des institutrices laïques. À cette époque, Gabrielle Roy profite des distractions mondaines qu'offre la ville et s'initie au théâtre et à l'écriture. Elle découvre alors de grands auteurs, surtout anglophones : Edgar Allan Poe, Lewis Caroll, Agatha Christie, Ernest Hemingway, Steinbeck ou encore Edgar Wallace. C'est aussi à cette époque que Roy publie ses premiers textes, en anglais et en français, dans des périodiques locaux et nationaux. L'écriture n'est toutefois pas sa priorité, alors que sa passion pour l'art dramatique occupe l'essentiel de son temps. Gabrielle Roy est alors une jeune comédienne cultivant l'ambition de faire du théâtre sa vocation.
C'est ainsi qu'elle rejoint le Cercle Molière, une troupe amateur que dirigent Arthur et Pauline Boutal. Ces derniers lui confient des rôles dans trois de leurs productions annuelles entre 1933 et 1936. Ces opportunités mènent Gabrielle Roy jusqu'à Ottawa, où elle monte sur scène à l'occasion du Festival national d'art dramatique de 1934 et 1936. Les comédiens du Cercle Molière y remportent des prix et Gabrielle Roy se distingue lors de deux pièces en anglais avec le Winnipeg Little Theatre. Ces succès la motivent à redoubler d'effort pour faire de l'art dramatique une carrière. C'est dans cette perspective que Gabrielle Roy se tourne bientôt vers de nouveaux horizons et décide de rejoindre l'Europe afin de poursuivre sa formation en art dramatique. Plus tard, elle expliquera cette nécessité de l'exil dans une lettre à l'écrivain Rex Desmarchais :
« L'enseignement et le théâtre, en particulier, nous ouvraient des horizons sur la culture et tout spécialement sur la littérature. Par contre, nous nous rendions clairement compte que les pauvres milieux culturels qui existaient dans l'Ouest canadien étaient absolument insuffisants pour nous permettre le plein développement de nos facultés, de nos possibilités intellectuelles, littéraires, artistiques. Nous soupirions ardemment vers les eaux vives et abondantes qui jaillissaient aux sources mêmes, en Europe, en France. Un voyage, un séjour de l'autre côté de l'Atlantique, c'était pour nous plus qu'un rêve: une hantise! »
En 1937, pour se donner les moyens de ses ambitions, elle s'engage comme institutrice à la Petite-Poule-d'Eau, une région sauvage à quelques centaines de kilomètres au nord de Winnipeg. À l'automne de la même année, à l'âge de 28 ans, Gabrielle Roy s'embarque pour le Vieux Continent. Elle laisse derrière elle une mère malade et éprouvée par des difficultés financières: cette décision sera source de remords et de conflits familiaux toute sa vie.
Gabrielle Roy s'exile pour un séjour de deux ans en Europe, où elle compte étudier l'art dramatique. Elle passe d'abord quelque temps à Paris afin de parfaire sa formation de comédienne auprès de Charles Dullin, directeur du Théâtre l'Atelier (aussi connu sous le nom d'« École nouvelle du comédien »). Elle est accueillie par une autre élève et s'installe dans un appartement assez cossu du XIII arrondissement. Mais Roy ne se dévouera finalement que très peu à l'étude de l'art dramatique, préférant assister aux représentations théâtrales parisiennes plutôt que d'y prendre part. À peine présentée à Charles Dullin, la jeune comédienne disparaît. C'est que Paris ne lui convient pas, comme le résume François Ricard :
« Certes, elle admire les beautés de la ville et la parcourt en touriste émerveillée, mais rien ne la retient ici. Rien ni personne. Paris a beau être, en ces années du Front populaire, au sommet de sa vitalité et de son rayonnement, il a beau rassembler les artistes et les écrivains les plus en vue, vibrer de débats et de manifestations de toutes sortes, constituer en somme le centre intellectuel de l'univers, comme l'a raconté H. R. Lottman, elle s'y sent étrangère, seule et, ainsi qu'elle le dira plus tard, « trop effrayée par la ville » pour pouvoir en profiter et tenter de s'y intégrer. Elle décide de repartir presque aussitôt. Son premier séjour à Paris, dont elle a tant rêvé, aura duré moins de deux mois. »
Gabrielle Roy quitte donc Paris pour s'installer à Londres, où elle retrouve des amis manitobains. La capitale britannique se veut beaucoup moins dépaysante pour Roy, qui maîtrise parfaitement l'anglais et y retrouve certains codes culturels lui rappelant le Manitoba. Inscrite à la prestigieuse Guildhall School of Music and Drama, elle parcourt la campagne anglaise et profite des activités culturelles qu'offre la ville, visitant notamment les musées. Loin de son pays, la Manitobaine jouit d'une indépendance nouvelle qui finit par se conjuguer à deux lorsqu'elle rencontre Stephen Davidovich, canadien d'origine ukrainienne luttant pour extirper son pays d'origine de l'influence soviétique. Cette relation s'avère toutefois éphémère car Davidovich, nationaliste convaincu, ne partage pas les idéaux sociaux-démocrates et libéraux de Roy (de par le contexte de l'époque et son opposition à l'URSS, il est allié des nazis) et s'absente souvent pour participer à des opérations.
C'est à Londres que Gabrielle Roy se consacre une bonne fois pour toutes à l'écriture, résignée à l'idée qu'elle n'a pas ce qu'il faut pour se dévouer à l'art de la scène. À l'été 1938, chez son amie Esther Perfect, à Upshire (en banlieue de Londres), Gabrielle Roy prête allégeance à la plume et fait du français l'unique langue de son ?uvre. Dans son autobiographie, La Détresse et l'Enchantement, elle lie cette décision à un profond attachement à ses origines: « [...] les mots qui me venaient aux lèvres, au bout de ma plume, étaient de ma lignée, de ma solidarité ancestrale. Ils me remontaient à l'âme comme une eau pure qui trouve son chemin entre des épaisseurs de roc et d'obscurs écueils. » Gabrielle se sent chez elle à Upshire, replongée dans ses souvenirs d'enfance, émerveillée par la beauté du paysage et choyée par la bienveillance de ses hôtes. Pour François Ricard, ce passage dans le comté d'Essex est un véritable élément déclencheur dans la vie de Gabrielle Roy :
« C'est dans l'atmosphère idyllique de la maison d'Upshire [...] que Gabrielle découvre enfin sa vocation d'écrire et décide qu'elle y consacrera désormais sa vie. Ce moment marque donc un tournant pour elle. D'ailleurs, la conscience d'écrivain de Gabrielle Roy gardera toujours le souvenir, sinon la nostalgie, de cette époque idéale, comme si elle y voyait une représentation exemplaire de ce qu'est l'écriture: un abri contre le monde, et de ce que l'écriture demande: le silence des passions, une disponibilité totale et l'oubli de toute préoccupation matérielle, conditions que seule la présence auprès de soi d'une figure bienveillante et tutélaire [Esther], peut rendre possibles. »
Elle écrit surtout des nouvelles et autres courts textes, dont certains aboutissent dans les journaux de Saint-Boniface. Trois de ses articles sont publiés dans un magazine parisien, Je suis partout, ce qui contribue à la convaincre que son avenir se trouve dans l'écriture. Gabrielle Roy se voit toutefois contrainte à quitter l'Europe car les tambours de guerre résonnent au loin. Avant de rentrer au pays, elle fait un passage de quelques mois dans le sud de la France, où elle est marquée par la beauté des paysages. Elle passe également quelque temps dans les Pyrénées-Orientales, croisant la route de réfugiés républicains qui fuient les charniers de la guerre civile espagnole. En avril 1939, elle embarque finalement pour le Canada.
De retour au pays, Gabrielle Roy décide de ne pas rentrer au Manitoba et ce, malgré l'insistance de sa mère, qui la presse de retrouver son poste d'enseignante à Provencher. Cultivant d'autres ambitions, elle s'installe à Montréal, loin de sa famille, dans l'espoir de se tailler une place au sein des cercles littéraires. Déjà à l'époque, Montréal est une métropole vibrante dont le milieu culturel est en pleine ébullition, notamment grâce au développement de la presse et de l'édition. Gabrielle Roy fréquente les cercles artistiques, décrochant des rôles à la radio et publiant quelques textes dans des périodiques montréalais. C'est toutefois comme journaliste qu'elle prend son envol. D'abord pigiste, elle finit par obtenir une chronique dans la page féminine de l'hebdomadaire Le Jour. Elle publie également des nouvelles dans la Revue Moderne, dont le directeur, Henri Girard, la prend sous son aile.
Malgré cette bienveillance qui assure à Gabrielle Roy de se tailler une petite place dans les milieux littéraires, c'est en tant que reporter qu'elle devient connue du grand public. Elle se fait un nom dans le Bulletin des Agriculteurs, notamment grâce à des séries de reportages qui s'étendent sur plusieurs numéros et captent l'attention des lecteurs. Entre 1941 et 1945, les reportages de Gabrielle Roy brossent un portrait saisissant de Montréal (« Tout Montréal », 1941), couvrent l'exil de colons madelinots en Abitibi (« Ici l'Abitibi », 1941-1942) ou dressent un tableau des caractéristiques socio-économiques de diverses régions du Québec (« Horizons du Québec », 1944-1945).
Le Bulletin des agriculteurs permet à Roy de vivre un peu plus confortablement et, surtout, de disposer du temps libre nécessaire à l'écriture d'un roman. C'est un projet qu'elle cultive depuis un moment déjà et qu'elle a amorcé en 1941 ou 1942. Ce roman, dont elle termine une première version durant l'été 1943, en Gaspésie, marquera à jamais le paysage littéraire québécois : c'est Bonheur d'occasion. Inspiré par les reportages de Gabrielle Roy sur le quartier ouvrier de Saint-Henri durant la Seconde Guerre mondiale, Bonheur d'occasion brosse le portrait saisissant des classes populaires de la métropole, aux prises avec la pauvreté et le chômage. Publié en juin 1945, le premier roman de Gabrielle Roy connaît un succès fulgurant auprès du public en plus d'être encensé par la critique, qui salue son réalisme et la qualité de la plume de Roy.
Ce succès transcende rapidement les frontières québécoises et canadiennes. Bonheur d'occasion est publié à New York en 1947 sous le titre The Tin Flute. Choisi comme le « livre du mois » de mai par la Literary Guild, il est tiré à 700 000 exemplaires. Un studio hollywoodien en acquiert même les droits cinématographiques, mais n'ira pas au bout du projet (un producteur canadien s'en chargera en 1983). Considéré comme le premier roman urbain de la littérature québécoise, il remporte de nombreux prix à l'international, notamment le prestigieux Prix Femina en 1947. Publié par les Éditions Flammarion en France, Bonheur d'occasion sera traduit dans une dizaine de langues étrangères.
Du jour au lendemain, cet étonnant succès fait de Gabrielle Roy une auteure reconnue. Son quotidien est alors bouleversé, alors qu'elle accède à la célébrité et à l'argent, poursuivie par les journalistes et admirée par des milliers de lecteurs. Bien qu'elle se réjouisse de s'être taillé une place dans le monde littéraire, Gabrielle Roy a beaucoup de difficulté à s'accommoder à cette soudaine agitation. Elle décide de s'en éloigner et quitte Montréal pour le Manitoba en mai 1947. Auprès de ses s?urs, elle retrouve un peu d'apaisement. C'est également durant cette période qu'elle rencontre Marcel Carbotte, un jeune médecin manitobain dont elle s'éprend rapidement. Trois mois plus tard, Gabrielle Roy et Marcel Carbotte se marient et partent s'établir en France, où Roy trouve un peu de tranquillité loin du brouhaha médiatique engendré par Bonheur d'occasion. Le couple fait d'abord escale à Montréal, où Gabrielle Roy est reçue par la Société royale du Canada afin d'y être intronisée.
Le couple arrive à Paris à l'automne 1947. Un an plus tard, Roy et Carbotte emménagent dans une luxueuse pension bourgeoise de Saint-Germain-en-Laye. Ils profitent des mondanités parisiennes en compagnie d'amis, notamment la journaliste Judith Jasmin, et Gabrielle Roy entame la rédaction de son second roman. La tâche n'est pas évidente. Elle tente d'abord d'écrire une ?uvre au style similaire à Bonheur d'occasion. Elle change finalement d'idée, inspirée par une excursion à Chartres, région dont les paysages lui rappellent le Manitoba. Ce décor verra naître trois histoires qui formeront La Petite Poule d'Eau, le second ouvrage de Gabrielle Roy, publié en 1950 à Montréal. Loin de connaître le succès de Bonheur d'occasion, ce deuxième roman reçoit un accueil plutôt froid de la critique montréalaise. Les cercles littéraires torontois le reçoivent quant à eux avec beaucoup plus d'enthousiasme, estimant que La Petite Poule d'Eau offre un portrait magistral de la culture canadienne.
Gabrielle Roy et son mari rentrent à Montréal le 15 septembre 1950. Ils s'établissent à LaSalle, au bord du fleuve Saint-Laurent. La romancière y passe toutefois peu de temps, s'échappant fréquemment vers des lieux plus tranquilles, notamment en Gaspésie, pour poursuivre son ?uvre. En 1952, lorsque Marcel Carbotte se voit offrir un poste à l'hôpital du Saint-Sacrement de Québec, le couple s'installe dans la capitale nationale. Leur appartement de la Grande Allée, dans un immeuble ancien appelé Château Saint-Louis, constituera le domicile principal de Gabrielle Roy jusqu'à ses derniers jours.
Pour François Ricard : « Lorsqu'elle s'établit à Québec, Gabrielle Roy a beau n'avoir que 43 ans, on peut dire que l'essentiel de ce qui constituera sa biographie est terminé, dans la mesure où aucun évènement majeur ne viendra désormais en modifier le cours de manière un peu éclatante ou significative ». L'heure est à l'écriture et à la sobriété. Roy n'aime pas particulièrement la ville, profitant de chaque occasion pour fuir vers l'Est ou un chalet que le couple acquiert à Petite-Rivière-Saint-François, dans la région de Charlevoix.
C'est là que Roy passe chaque été jusqu'à sa mort et où elle rédige presque tous ses romans. L'un d'entre eux, Alexandre Chenevert, lui vaut en 1954 un important succès critique. Sa santé étant fragile, particulièrement durant les longs mois d'hiver qui mettent à rude épreuve ses capacités pulmonaires, elle s'exile fréquemment pour écrire, notamment en Arizona, en Louisiane, en Floride ou encore en France. Elle ajoute alors une dizaine de romans à son ?uvre, ayant pour point commun d'accorder une place substantielle à ses souvenirs d'enfance et à ses racines. C'est notamment le cas dans Rue Deschambault (1955), dont le personnage principal, une franco-manitobaine prénommée Christine, est en quelque sorte l'alter-ego de Gabrielle Roy. La romancière ne s'interdit toutefois pas des escapades vers d'autres horizons. La rivière sans repos brosse le portrait saisissant des Inuits de l'Ungava, cherchant leurs repères identitaires entre tradition et modernité.
Les dernières années de sa vie sont marquées par le décès de ses s?urs Anna (1964) et Bernadette (1970). Ces deuils la fragiliseront, tant physiquement que psychologiquement, et font en sorte qu'elle renoue avec sa foi catholique, abandonnée durant son aventure européenne. En 1967, elle reçoit le titre de Compagnon de l'Ordre du Canada. L'année suivante, elle reçoit un doctorat honorifique de l'Université Laval. Se sachant en déclin, elle entame en 1976 la rédaction de son autobiographie, La Détresse et l'Enchantement. En 1979, elle reçoit le Prix de littérature de jeunesse du Conseil des Arts du Canada pour le conte Courte-Queue, traduit en anglais sous le titre de Cliptail.
Le 13 juillet 1983, Gabrielle Roy est emportée par une crise cardiaque à l'Hôtel-Dieu de Québec. Son testament partage ses biens entre son mari et des organismes d'aide à l'enfance. Elle fut incinérée et ses cendres reposent au parc commémoratif la Souvenance, à Sainte-Foy.