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Surnom | AK, Sensei, l'Empereur |
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Naissance |
Shinagawa, Tokyo (Japon) |
Nationalité | Japonaise |
Décès |
(à 88 ans) Setagaya, Tokyo (Japon) |
Profession | Réalisateur, producteur, scénariste et monteur |
Films notables |
Rash?mon Vivre Les Sept Samouraïs Dersou Ouzala Kagemusha, l'Ombre du guerrier Ran |
Akira Kurosawa (?? ?, Kurosawa Akira ) est un réalisateur, producteur, scénariste et monteur japonais, né le à Tokyo, où il est mort le . Il est considéré comme l'un des cinéastes les plus célèbres et influents de l'histoire du cinéma. En cinquante-sept ans de carrière cinématographique, il a réalisé plus de trente films.
Après une brève expérience de peintre, Akira Kurosawa entre dans l'industrie cinématographique japonaise en 1936 en tant qu'assistant réalisateur et scénariste. Il fait ses débuts en tant que réalisateur pendant la Seconde Guerre mondiale avec le film d'action populaire La Légende du grand judo (????, Sugata Sanshir? , 1943). Son huitième long métrage, L'Ange ivre (??????, Yoidore tenshi ), sort en 1948 et est acclamé par la critique, consolidant sa réputation. Ce film marque les débuts de sa collaboration avec l'acteur Toshir? Mifune, qui va tourner dans seize de ses films.
Pour Rash?mon (??? ), dont la première a lieu à Tokyo en , Akira Kurosawa reçoit le Lion d'or à la Mostra de Venise 1951. Cette récompense inattendue permet au film d'être diffusé en Europe et en Amérique du Nord. Son succès public et critique ouvre les portes de l'Occident au cinéma japonais et permet à d'autres cinéastes japonais d'obtenir une reconnaissance internationale. Des années 1950 au début des années 1960, Kurosawa réalise environ un film par an, dont Vivre (???, Ikiru , 1952), Les Sept Samouraïs (????, Shichinin no samurai , 1954) et Le Garde du corps (???, Y?jinb? , 1961). Au début des années 1970, il devient beaucoup moins prolifique, mais ses ?uvres tardives ? dont Kagemusha, l'Ombre du guerrier (???, Kagemusha , 1980) et Ran (? , 1985) ? continuent de remporter des prix, dont la Palme d'or au Festival de Cannes 1980 pour Kagemusha.
En 1990, il reçoit l'Oscar d'honneur décerné par l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences « pour l'ensemble de ses réalisations qui ont inspiré, ravi, enrichi et diverti le public mondial et influencé les cinéastes du monde entier ». En 1999, il est nommé à titre posthume « Personnalité asiatique du siècle » dans la catégorie « Arts, littérature, et culture » par le magazine Asiaweek et CNN, présenté comme « l'une des cinq personnes ayant le plus contribué à l'épanouissement de l'Asie durant les cent dernières années ».
Kurosawa naît le dans le quartier de Higashi?i (arrondissement de Shinagawa) à Tokyo. Son père Isamu, descendant d'une famille de samouraïs de la préfecture d'Akita, est directeur de l'école secondaire de l'Institut d'éducation physique de l'armée, tandis que sa mère vient d'une famille de marchands d'Osaka. Il est le benjamin d'une lignée de sept enfants. Deux d'entre eux sont presque adultes à sa naissance, et une de ses s?urs meurt peu de temps après. Kurosawa ne grandit alors qu'avec trois de ses frères et s?urs.
En plus de promouvoir l'exercice physique, son père, Isamu Kurosawa, considère la culture occidentale ? et plus particulièrement le cinéma et le théâtre ? comme un point essentiel de l'éducation : le jeune Akira découvre le cinéma à l'âge de 6 ans. Sous l'influence d'un de ses professeurs d'école élémentaire, M. Tachikawa, il se passionne pour la peinture et le dessin. À cette époque, il étudie également la calligraphie et le kendo.
L'enfance d'Akira Kurosawa est également très influencée par son frère Heigo, de quatre ans son aîné. Kurosawa rapporte qu'à la suite du séisme de 1923 du Kant?, Heigo l'emmène dans les quartiers les plus détruits de la capitale et que lorsqu'il tente de détourner les yeux des cadavres jonchant les rues, son frère l'en empêche pour l'obliger à affronter ses peurs. Pour certains critiques, cet événement a fortement influencé la sensibilité de Kurosawa.
Heigo est un élève brillant, mais échoue à son examen d'entrée au lycée. À la suite de cet échec, il se détache peu à peu de sa famille, et se concentre sur la littérature étrangère. À la fin des années 1920, Heigo devient benshi (commentateur de films muets) et se fait connaître sous le nom de Suda Teimei. Akira, qui veut alors devenir peintre de style occidental, emménage avec son frère. Grâce à Heigo, Akira découvre non seulement le cinéma, mais également le théâtre et le cirque. Dans le même temps, il expose ses toiles et travaux dans le cadre des expositions de la Ligue des artistes prolétariens. Mais il n'arrive pas à vivre de sa peinture et finit par s'en lasser. Il se détourne aussi de la politique alors que la répression policière s'est accentuée.
Avec l'avènement du cinéma parlant au début des années 1930, il devient difficile pour les benshi comme Heigo de trouver du travail, et Akira retourne chez ses parents. En , Heigo se suicide avec sa compagne. Kurosawa décrit cette mort comme un sentiment durable de perte, et l'évoque dans le chapitre intitulé « Une histoire dont je ne veux pas parler » de son autobiographie. Seulement quatre mois après la mort de Heigo, son frère aîné meurt également.
En 1935, le nouveau studio de cinéma « Photo Chemical Laboratories » ? abrégé PCL, et qui devient par la suite le studio T?h? ? recherche des assistants réalisateurs. Bien qu'il n'ait jamais envisagé de travailler dans le cinéma et qu'il ait déjà un travail d'illustrateur de livres, Kurosawa répond à l'annonce du studio, qui demande aux candidats de rédiger un essai sur les défauts fondamentaux des films japonais et les moyens d'y remédier. Kurosawa explique dans son papier que si ces défauts sont fondamentaux, alors il n'y a aucun moyen de les corriger. Cette lettre au ton moqueur lui permet de passer les examens suivants. Le réalisateur Kajir? Yamamoto, qui fait partie des recruteurs, insiste pour que Kurosawa soit embauché. En , à l'âge de 25 ans, Kurosawa entre chez PCL.
Au cours de ses cinq années en tant qu'assistant, Kurosawa travaille pour un nombre important de réalisateurs différents, mais celui qui lui apporte le plus reste Kajir? Yamamoto. Sur ses vingt-quatre films en tant qu'assistant réalisateur, dix-sept sont réalisés par Yamamoto, la plupart étant des comédies jouées par l'acteur Ken'ichi Enomoto, plus connu sous le nom de « Enoken ». Yamamoto cultive le talent de Kurosawa et le fait passer en une année de troisième assistant à « assistant réalisateur en chef ». Les responsabilités de Kurosawa s'accroissent, et son travail va de l'élaboration des scènes et du développement du film aux repérages des lieux de tournage, en passant par la finition du scénario, les répétitions, l'éclairage, le doublage, le montage et la direction de la seconde équipe. Dans son dernier film en tant qu'assistant réalisateur, Cheval (?, Uma , 1941), Kurosawa prend en charge l'essentiel de la production, Yamamoto étant déjà occupé par le tournage d'un autre film.
Yamamoto confie à Kurosawa qu'un bon réalisateur doit avant tout être un excellent scénariste. Kurosawa comprend alors qu'il peut être davantage rémunéré en écrivant des scénarios plutôt qu'en restant assistant réalisateur. Par la suite, il écrit ou coécrit tous ses films, et écrit fréquemment des scénarios pour d'autres réalisateurs, comme celui du film Le Triomphe des ailes (????, Tsubasa no gaika , 1942) de Satsuo Yamamoto. L'écriture de scénarios pour d'autres réalisateurs est pour Kurosawa une activité lucrative, qui dure jusque dans les années 1960, bien après qu'il est devenu célèbre.
Durant les deux ans suivant la sortie de Cheval en 1941, Kurosawa est en quête d'une histoire qui pourrait lancer sa carrière de réalisateur. Vers la fin de l'année 1942, environ un an après le début de la guerre entre le Japon et les États-Unis, le romancier Tsuneo Tomita publie Sugata Sanshir?, un roman sur la naissance du judo écrit dans le style de Miyamoto Musashi. Intrigué par le livre, Kurosawa l'achète le jour de sa publication ; après l'avoir lu d'une traite, il demande immédiatement à la T?h? d'en acquérir les droits d'adaptation. Son intuition s'est avérée juste puisque, en l'espace de quelques jours, trois autres grands studios japonais proposent également d'acheter les droits. La T?h? finit par les obtenir, et Kurosawa entame la préproduction de son premier film en tant que réalisateur.
Le tournage de La Légende du grand judo (????, Sugata Sanshir? ) débute à Yokohama en . La production du film ne pose pas de problème, mais la censure, qui avait donné son accord en amont conformément à la loi sur le cinéma de 1939, juge le résultat du tournage trop « anglo-saxon ». La Légende du grand judo doit finalement sa sortie le au réalisateur Yasujir? Ozu, qui défend le film. Néanmoins, dix-huit minutes de la version initiale sont censurées. La plupart de ces coupes sont aujourd'hui considérées comme définitivement perdues. La Légende du grand judo est un film caractéristique de l'idéologie de l'époque. Il exalte les vertus morales et l'abnégation du petit peuple, par opposition à l'égoïsme et à la méchanceté des bourgeois occidentalisés, représentés par le personnage de Gennosuke.
Kurosawa s'intéresse ensuite au sujet des femmes ouvrières en temps de guerre dans Le Plus Beau (?????, Ichiban utsukushiku ), un film de propagande tourné dans un style semi-documentaire au début de l'année 1944. Le scénario, écrit par Kurosawa, met en scène un groupe de jeunes ouvrières dans une usine de lentilles optiques à usage militaire qui fait tout son possible malgré les difficultés pour augmenter sa productivité. Pour obtenir des performances réalistes de la part des actrices, Kurosawa les fait vivre dans une véritable usine pendant le tournage, manger la nourriture de l'usine et s'appeler les unes les autres par les noms de leurs personnages. Il utilise des méthodes similaires avec ses interprètes tout au long de sa carrière.
Au cours de la production, Y?ko Yaguchi, l'actrice interprétant la meneuse du groupe d'ouvrières, est choisie par ses collègues pour présenter à Kurosawa leurs exigences. Paradoxalement, alors qu'ils s'opposent en permanence, Yaguchi et Kurosawa se rapprochent. Ils se marient le , alors que Y?ko est enceinte de deux mois. Ils restent mariés jusqu'à la mort de Y?ko en 1985. Ils ont ensemble deux enfants : un fils, Hisao, né le , producteur de quelques-uns des derniers projets de son père, et une fille, Kazuko, née le , chef costumière.
Juste avant son mariage, Kurosawa est pressé par le studio de donner une suite à La Légende du grand judo. Le film de propagande La Nouvelle Légende du grand judo (?????, Zoku Sugata Sanshir? ) sort en , et est souvent considéré comme l'une des ?uvres les moins abouties de Kurosawa.
Dans le contexte de pénurie des derniers mois de la guerre, Kurosawa décide d'écrire le scénario d'un film moins onéreux à produire que les précédents. Les Hommes qui marchèrent sur la queue du tigre (????????, Tora no o o fumu otokotachi ), basé sur la pièce de kabuki Kanjinch?, avec Enoken, est achevé en . À cette date, le Japon vient de capituler, et l'occupation du pays par les Alliés a commencé. Le système de censure mis en place par les Américains, à l'encontre de tous les films japonais réalisés pendant la guerre, bloque la diffusion du film, estimant qu'il défend des valeurs « féodales ». Le film avait déjà été critiqué par les censeurs japonais en temps de guerre, qui le jugeaient trop occidental et « démocratique ». Ils regrettaient notamment le rôle du porteur comique interprété par Enoken. Le film n'aurait donc probablement pas vu le jour même si la guerre s'était poursuivie plus longtemps. Il ne sort finalement qu'en 1952, sept ans après son tournage.
Au lendemain de la guerre, Kurosawa est inspiré par les idéaux démocratiques du nouveau régime né de l'occupation. Le premier film résultant de cette inspiration est Je ne regrette rien de ma jeunesse (????????, Waga seishun ni kuinashi ), sorti en 1946, basé sur l'incident de Takigawa de 1933 et l'affaire de l'espion Hotsumi Ozaki, dans lequel le réalisateur critique le régime japonais d'avant-guerre. Le personnage central du film est une femme, Yukie (interprétée par Setsuko Hara), qui cherche sa place dans un contexte de crise politique. Le scénario original, écrit par Eijir? Hisaita, doit être revu et corrigé de façon importante en raison de ses thèmes politiques. Le film divise la critique, tant par son sujet controversé que par le sexe de son personnage principal. En revanche, le succès auprès du public est présent, et le titre du film devient une phrase culte d'après-guerre.
Son film suivant, Un merveilleux dimanche (????????, Subarashiki nichiy?bi ), sort en et reçoit un accueil critique mitigé. Il s'agit de l'histoire d'amour relativement simple d'un couple appauvri par la guerre qui souhaite profiter de son jour de repos. Pour ce film, Kurosawa est influencé par les ?uvres de Frank Capra, D. W. Griffith et F. W. Murnau, des cinéastes qu'il admire profondément. En 1947 sort La Montagne d'argent (?????, Ginrei no hate ), un film de Senkichi Taniguchi et écrit par Kurosawa. Ce film marque les débuts du jeune acteur Toshir? Mifune. C'est Kurosawa, avec l'aide de Yamamoto, qui insiste pour que le studio T?h? engage Mifune.
L'année suivante sort L'Ange ivre (??????, Yoidore tenshi ). Bien que le scénario doive être réécrit à cause de la censure de l'occupation, Kurosawa a le sentiment de pouvoir enfin s'exprimer librement. Le film raconte l'histoire d'un médecin tentant de sauver un yakuza de la tuberculose. Il s'agit de la première collaboration entre le réalisateur et Mifune. Cette collaboration se poursuit durant les seize films suivants du cinéaste (hormis Vivre), où Mifune joue les premiers rôles. À l'origine, Mifune n'est pas censé jouer le personnage principal de L'Ange ivre, mais sa prestation de yakuza est telle qu'il domine le film et éclipse le rôle du docteur alcoolique tenu par Takashi Shimura. Kurosawa décide alors de ne pas gêner la montée en puissance du jeune acteur. Le jeu de rebelle de Mifune conquiert aussitôt le public. L'avant-première a lieu en , et le film est élu meilleur film de l'année par la prestigieuse revue Kinema Junp?. Au total, trois films de Kurosawa seront ainsi récompensés.
Avec le producteur S?jir? Motoki et les réalisateurs Kajir? Yamamoto, Mikio Naruse et Senkichi Taniguchi, Kurosawa fonde l'Association artistique cinématographique (??????, Eiga Geijutsu Ky?kai ). Pour les débuts de cette organisation, et pour son premier film pour Daiei, Kurosawa adapte avec Taniguchi une pièce contemporaine de Kazuo Kikuta. Le Duel silencieux (??????, Shizukanaru kett? ) a pour tête d'affiche Toshir? Mifune en jeune médecin idéaliste luttant contre la syphilis. Il s'agit d'une tentative délibérée de Kurosawa de sortir Mifune des rôles de gangsters. Sorti en , le film est un succès au box-office, mais est généralement considéré comme l'un des moins bons du cinéaste.
Son second film de l'année 1949, également produit par l'Association artistique cinématographique et distribué par la Shint?h?, est Chien enragé (???, Nora inu ), l'un de ses films les plus célèbres. Ce film policier raconte l'histoire d'un jeune détective (interprété par Mifune) obsédé par son pistolet volé par un démuni qui s'en sert pour commettre des crimes. Il est chargé d'assister le commissaire Sato, dont la perspicacité pour remonter jusqu'au coupable rappelle celle du commissaire Maigret. Adapté d'un roman de Kurosawa lui-même, et écrit dans le style de l'un de ses auteurs favoris ? en l'occurrence Georges Simenon ?, il s'agit avant tout de sa première collaboration avec le scénariste Ry?z? Kikushima. L'une des séquences les plus célèbres du film, d'une durée de huit minutes et sans dialogues, représente le jeune détective déguisé en pauvre vétéran errant dans les rues à la recherche de son arme ; cette séquence utilise des plans d'un documentaire sur la ville de Tokyo ravagée par la guerre, réalisé par Ishir? Honda, un ami de Kurosawa et futur réalisateur de Godzilla (???, Gojira ).
Scandale (??, Sh?bun ), produit par la Sh?chiku et sorti en , est inspiré d'une expérience personnelle du réalisateur avec la presse à scandale. Le film mêle drame judiciaire et problèmes sociaux sur fond de liberté d'expression et de responsabilités personnelles. Mais Kurosawa juge le travail flou et peu satisfaisant, rejoignant ce que s'accorde à dire la majorité des critiques. Cependant, c'est avec son second film de 1950, Rash?mon (??? ), que Kurosawa finit par gagner un tout nouveau public.
Après la sortie de Scandale, Kurosawa est approché par les studios Daiei, afin qu'il réalise un deuxième film pour eux après Le Duel silencieux. Le réalisateur choisit alors le script d'un jeune scénariste, Shinobu Hashimoto, basé sur la nouvelle de Ry?nosuke Akutagawa intitulée Dans le fourré (???, Yabu no naka ) qui narre le meurtre d'un samouraï et le viol de sa femme. Kurosawa voit dans cette nouvelle un potentiel cinématographique, et décide de la développer avec l'aide de Hashimoto. Daiei accueille le projet avec enthousiasme d'autant que le budget requis semble faible avec ses deux uniques décors et un tournage majoritairement en extérieur. Matsutar? Kawaguchi, alors cadre à la Daiei, se plaindra plus tard auprès de Kurosawa d'avoir été roulé tant l'imposant décor de la porte Rash? a été couteux.
Le tournage de Rash?mon se déroule du au dans les grands espaces montagneux de la forêt de Nara puis dans la forêt qui longe le Konkai k?my?-ji à Kyoto. La post-production du film dure une seule semaine, et est gênée par un incendie dans les studios. L'avant-première a lieu le au théâtre impérial de Tokyo, la sortie nationale le lendemain. Les critiques sont partagées, intriguées par le thème unique du film. Il s'agit néanmoins d'un succès financier modéré pour la société Daiei.
Le film suivant de Kurosawa, pour Sh?chiku, est L'Idiot (??, Hakuchi ), une adaptation du roman de l'écrivain préféré du réalisateur, Fiodor Dostoïevski. Le cinéaste délocalise l'histoire de la Russie à Hokkaid?, mais reste très fidèle à l'?uvre originale, ce que de nombreuses critiques jugent dommageable pour le film. Jugé trop long, le film de Kurosawa est raccourci, passant de 265 minutes (près de 4 h 30) à 166 minutes, ce qui rend l'histoire difficilement compréhensible. À sa sortie, les critiques sont très mauvaises, mais le film rencontre un succès modéré auprès du public, essentiellement grâce à la présence de Setsuko Hara.
Pendant ce temps, à l'insu de Kurosawa, Rash?mon est sélectionné à la Mostra de Venise grâce aux efforts de Giuliana Stramigioli, une représentante basée au Japon d'une société de production italienne. Le , Rash?mon reçoit la plus haute distinction du festival, le Lion d'or. Cette récompense surprend l'ensemble du monde du cinéma, qui à l'époque ignorait quasiment tout de la tradition cinématographique du Japon.
Daiei exploite alors brièvement le film à Los Angeles jusqu'à ce que RKO rachète les droits de distribution sur le sol des États-Unis. Le risque est grand pour RKO : à l'époque, un seul film sous-titré est sur le marché américain, et le seul film japonais ayant été distribué à New York, une comédie de Mikio Naruse en 1937, a été un échec critique et commercial. Pourtant, l'exploitation de Rash?mon est un succès, aidée par de nombreux critiques dont Ed Sullivan : lors des trois premières semaines, le film engrange 35 000 $, et ce dans un seul cinéma de New York. Le public français quant à lui découvre le film en salles en . Ce succès entraîne un regain d'intérêt pour les films japonais en Occident dans les années 1950, éclipsant le cinéma néoréaliste italien. Grâce à cette renommée, les films d'autres cinéastes japonais commencent à recevoir des récompenses et à être distribués en Occident, comme ceux de Kenji Mizoguchi, et plus tard ceux de Yasujir? Ozu, des cinéastes reconnus au Japon mais totalement inconnus dans cette partie du monde.
Sa carrière gonflée par sa reconnaissance internationale, Kurosawa retourne chez T?h? et travaille sur son prochain film, Vivre (???, Ikiru ). Le film met en scène Watanabe (Takashi Shimura), un fonctionnaire atteint d'un cancer qui cherche à donner un dernier sens à sa vie. Pour le scénario, Kurosawa s'allie à Hashimoto et à l'écrivain Hideo Oguni, avec qui il coécrit douze films. Malgré le sujet grave, les scénaristes abordent le récit d'une manière satirique, ce que certains comparent au travail de Bertolt Brecht. Cette stratégie leur a permis d'éviter ce sentimentalisme commun qui règne habituellement autour de personnages atteints de maladies incurables. Vivre sort en , Kurosawa est récompensé de son deuxième « meilleur film » de Kinema Junp?, et le film remporte un grand succès au box-office.
En , Kurosawa s'isole durant 45 jours avec les deux scénaristes de Ikiru, Shinobu Hashimoto et Hideo Oguni. Ensemble, ils écrivent le scénario du prochain film du cinéaste, Les Sept Samouraïs (????, Shichinin no samurai ). Il s'agit du premier véritable chanbara de Kurosawa, genre pour lequel il est aujourd'hui le plus connu. L'histoire, celle d'un pauvre village de l'époque Sengoku qui fait appel à un groupe de samouraïs afin de se défendre des bandits, est traitée par Kurosawa d'une manière totalement épique, et l'action est méticuleusement détaillée durant les trois heures et demie. Le film s'appuie sur une distribution d'ensemble impressionnante, composée notamment d'acteurs ayant déjà tourné avec Kurosawa.
Trois mois sont nécessaires pour la préproduction, un mois pour les répétitions. Le tournage dure 148 jours étalés sur près d'un an, interrompu entre autres par des difficultés de production et d'ordre financier, ainsi que par les problèmes de santé de Kurosawa. Le film sort finalement en , soit 6 mois après la date prévue. Le film coûte trois fois plus que prévu, et devient alors le film japonais le plus cher jamais réalisé. Les critiques sont positives, et le succès au box-office permet de rentrer rapidement dans les frais. Après de nombreuses modifications, il est distribué sur le marché international. Au fil du temps, et grâce aux versions non modifiées diffusées par la suite, le film accroît sa notoriété. En 1979, un vote parmi des critiques japonais le classe comme étant le meilleur film japonais de tous les temps. Aujourd'hui encore, il est considéré comme tel par certains critiques.
En 1954, des tests nucléaires militaires dans le Pacifique créent des incidents aux conséquences désastreuses, comme celui impliquant le thonier japonais Daigo Fukury? Maru. C'est dans cette anxiété ambiante que Kurosawa conçoit son film suivant, Vivre dans la peur (???????, Ikimono no kiroku ). Le propos porte sur un riche industriel (Toshir? Mifune) terrifié à l'idée d'une attaque nucléaire, et qui décide d'emmener sa famille dans une ferme au Brésil pour être en sécurité. La production est moins chaotique que lors du film précédent, mais à quelques jours de la fin du tournage, Fumio Hayasaka, compositeur et ami de Kurosawa, meurt de la tuberculose. La bande originale est alors achevée par l'assistant de Hayasaka, Masaru Sat?, qui travaille sur les huit films suivants de Kurosawa. Vivre dans la peur sort en , mais l'accueil des critiques et du public est timide et réservé. Le film devient alors le premier de Kurosawa à ne pas rentrer dans ses frais durant son exploitation en salle. Aujourd'hui, il est considéré comme le meilleur film traitant des effets psychologiques de la paralysie nucléaire mondiale.
Le projet suivant de Kurosawa, Le Château de l'araignée (????, Kumonosu-j? ), est une adaptation du Macbeth de William Shakespeare, dont l'histoire est transposée en Asie à l'époque Sengoku. Kurosawa donne pour instruction aux acteurs, et notamment à l'actrice principale Isuzu Yamada, d'agir et de jouer comme s'il s'agissait d'un classique de la littérature japonaise et non occidentale. Le jeu des acteurs s'apparente alors aux techniques et styles du théâtre nô. Le film est tourné en 1956 et sort en . Le succès en salle est légèrement moins mauvais que pour Vivre dans la peur. À l'étranger, le film devient rapidement une référence parmi les adaptations cinématographiques de Shakespeare.
La production d'une autre adaptation d'un classique européen suit immédiatement celle du Château de l'araignée. Les Bas-fonds (???, Donzoko ), adapté de la pièce du même nom de Maxime Gorki, est réalisé en mai et . Bien que l'adaptation soit très fidèle à la pièce de théâtre russe, l'exercice de transposition à l'époque d'Edo est considéré comme une réussite artistique. La première a lieu en , et le film reçoit un accueil partagé, similaire à celui reçu par Le Château de l'araignée. Certains critiques le classent parmi les ?uvres les plus sous-estimées de Kurosawa.
Les trois films suivant Les Sept Samouraïs n'ont pas connu le même succès auprès du public japonais. Le travail de Kurosawa est de plus en plus sombre et pessimiste, et le réalisateur aborde les questions de la rédemption. Kurosawa, qui s'aperçoit de ces changements, décide délibérément de retourner à des films plus légers et divertissants. À cette même époque, le format écran large devient très populaire au Japon. En résulte La Forteresse cachée (???????, Kakushi toride no san-akunin ), film d'action et d'aventure mettant en scène une princesse, son fidèle général et deux paysans devant traverser les lignes ennemies pour pouvoir rejoindre leurs foyers. Sorti en 1958, La Forteresse cachée est un énorme succès au box-office, et est chaudement accueilli par les critiques. Aujourd'hui, le film est considéré comme l'un des films les plus légers et accessibles de Kurosawa, mais reste très populaire pour ses nombreuses influences, notamment sur Star Wars, le space opera de George Lucas sorti en 1977.
Depuis Rash?mon, les films de Kurosawa atteignent un public plus large, et la fortune du réalisateur augmente. T?h? propose alors au réalisateur de financer lui-même une partie de ses films, et ainsi de limiter les risques financiers pour la société de production, en échange de quoi Kurosawa aurait davantage de liberté artistique en tant que coproducteur. Kurosawa accepte, et la Kurosawa Production Company naît en , avec T?h? comme actionnaire principal.
Alors qu'il met maintenant en jeu son propre argent, Kurosawa choisit de réaliser un film critiquant plus ouvertement la politique et l'économie japonaise que ses précédentes ?uvres. Les salauds dorment en paix (?????????, Warui yatsu hodo yoku nemuru ), basé sur un scénario de Mike Inoue, neveu de Kurosawa, raconte la vengeance d'un jeune homme grimpant dans la hiérarchie d'une entreprise corrompue afin de démasquer les responsables de la mort de son père. Son thème se révèle d'actualité : pendant la production, de grandes manifestations ont lieu pour dénoncer le traité de coopération mutuelle et de sécurité entre les États-Unis et le Japon. Ce traité est considéré, notamment par la jeunesse, comme une menace pour la démocratie du pays car il donne plus de pouvoir aux entreprises et aux politiciens. Le film sort en sous une critique positive, mais le succès au box-office est modeste. La séquence d'ouverture de 25 minutes, décrivant une cérémonie d'entreprise interrompue par des journalistes et la police, est considérée comme l'une des plus savamment orchestrées de Kurosawa, mais, par comparaison, le reste du film déçoit. Le film est également critiqué pour son héros conventionnel luttant contre un mal social qui ne peut être résolu par des individualités.
Le Garde du corps (???, Y?jinb? ), le second film de Kurosawa Productions, est centré sur le samouraï Sanj?r? qui pousse à s'entretuer deux clans se disputant violemment le contrôle d'une ville du XIX siècle. Le réalisateur joue avec les conventions de genre, en particulier le western, et se permet un portrait artistique de la violence sans précédent au Japon. Sanjur? est parfois perçu comme un personnage fantaisiste qui renverse par magie le triomphe historique des marchands corrompus sur les samouraïs. Le film sort en et obtient un immense succès au box-office, rapportant plus d'argent que tous les films précédents de Kurosawa. Le film démontre une influence importante du genre au Japon, et inaugure une nouvelle ère pour les zankoku eiga, films de samouraïs ultraviolents. Le film et son humour noir sont largement imités à l'étranger ? Pour une poignée de dollars de Sergio Leone en est par exemple un remake scène-par-scène non autorisé. ?, mais beaucoup s'accordent à dire que l'original de Kurosawa est supérieur aux imitations.
À la suite du succès de Le Garde du corps, Kurosawa se retrouve sous la pression de la T?h?, qui désire une suite. Il s'oriente alors vers un scénario qu'il écrivit avant Le Garde du corps et le retravaille pour y inclure le héros. Sanjuro (????, Tsubaki Sanj?r? ) est le premier des trois films de Kurosawa à être adapté des travaux de l'écrivain Sh?gor? Yamamoto (les deux autres sont Barberousse et Dodes'kaden). Le film est plus léger et plus conventionnel que Le Garde du corps, bien que l'histoire de lutte de pouvoir au sein d'un clan de samouraïs est décrite avec des nuances très comiques. Le film sort le et surpasse rapidement Le Garde du corps au box-office.
Pendant ce temps, la T?h? acquiert à la demande de Kurosawa les droits d'adaptation de Rançon sur un thème mineur (King's Ransom, 1959), roman policier de la série 87 District d'Ed McBain. Kurosawa veut en effet réaliser un film dénonçant le kidnapping, qu'il considère comme l'un des pires crimes. Le thriller Entre le ciel et l'enfer (?????, Tengoku to jigoku ) est tourné fin 1962 et sort en sous des critiques élogieuses. Le film devient le plus gros succès de Kurosawa au box-office, et le plus gros succès de l'année au Japon. Cependant, son succès est quelque peu terni lorsque, ironiquement, le film entraîne une hausse du nombre d'enlèvements après sa sortie. Kurosawa lui-même reçoit des menaces d'enlèvement visant sa fille Kazuko. Entre le ciel et l'enfer est considéré par de nombreux critiques comme l'une des ?uvres les plus importantes du cinéaste.
Kurosawa enchaîne rapidement avec son film suivant Barberousse (???, Akahige ). Il se base pour cela sur des nouvelles de Sh?gor? Yamamoto, ainsi que sur Humiliés et Offensés de Dostoïevski. Ce film d'époque qui se déroule dans un hospice du milieu du XIX siècle permet à Kurosawa de mettre en avant les thèmes humanistes qui lui sont chers. Yasumoto, un jeune médecin formé à l'étranger, vaniteux et matérialiste, est contraint de devenir interne dans la clinique pour pauvres du docteur Niide, surnommé Akahige (Barberousse) et interprété par Mifune. Au début réticent, Yasumoto finit par admirer Barberousse et à respecter les patients qu'il méprisait à son arrivée. Y?z? Kayama, l'interprète du personnage de Yasumoto, est à l'époque une star de films et de musiques populaires. Cette célébrité permet à Kurosawa de garantir un certain succès à son film. Le tournage, le plus long jamais effectué par le réalisateur, s'étale sur près d'une année après 5 mois de préproduction, et s'achève au printemps 1965. Barberousse sort en , devient le plus grand succès de l'année au Japon et remporte le trophée du meilleur film de Kinema Junp?, le troisième et dernier pour Kurosawa. Le film reste l'un des plus connus et des plus appréciés de Kurosawa au Japon. À l'étranger, les critiques sont plus partagées. La plupart des critiques reconnaissent sa maîtrise technique (certains le situent même parmi les meilleures réalisations de Kurosawa), tandis que d'autres insistent sur son manque de complexité et de puissance narrative. D'autres prétendent enfin que ce film représente un recul de Kurosawa dans ses engagements politiques et sociaux.
Barberousse marque la fin d'une ère pour Kurosawa. Le réalisateur lui-même le reconnaît à la sortie du film, et déclare au critique Donald Richie qu'un cycle vient de se terminer, et que ses films à venir et ses méthodes de production seront différents. À la fin des années 1950, la télévision se développe et domine les audiences du cinéma. Les revenus des studios de cinéma chutent et ne sont plus investis dans des productions coûteuses et à risques comme celles de Kurosawa. Barberousse marque aussi chronologiquement la moitié de la carrière du cinéaste. Au cours de ses 29 premières années dans l'industrie du cinéma, il réalise 23 films, tandis que lors des 28 années suivantes il n'en réalise que 7 de plus. En outre, pour des raisons jamais réellement exposées, Barberousse est le dernier film de Kurosawa avec Toshir? Mifune. Y? Fujiki, un acteur ayant travaillé sur Les Bas-fonds, déclare à propos de la complicité des deux hommes sur le plateau que « le c?ur de M. Kurosawa était dans le corps de M. Mifune ». Donald Richie décrit leurs rapports comme une symbiose unique.
Quand le contrat d'exclusivité entre Kurosawa et T?h? arrive à son terme en 1966, le réalisateur, alors âgé de 56 ans, prend un virage important dans sa carrière. Les problèmes rencontrés par l'industrie cinématographique japonaise et les douzaines d'offres émanant de l'étranger l'incitent en effet à travailler pour la première fois hors du Japon.
Pour son premier projet étranger, Kurosawa s'inspire d'un article du magazine Life. Ce thriller produit par Embassy Pictures, qui aurait dû être tourné en anglais et titré Runaway Train, aurait été le premier film en couleur de Kurosawa. Toutefois, la barrière de la langue est un problème majeur pour cette production, et la traduction en anglais du scénario n'est pas achevée à l'automne 1966, alors que le tournage est censé débuter. Le tournage nécessitant de la neige, il est reporté à l'automne 1967, puis annulé en 1968. Près de vingt ans plus tard, Andreï Kontchalovski, un autre étranger à Hollywood, réalise finalement Runaway Train, un film au scénario totalement différent des travaux de Kurosawa.
Malgré cet échec, Kurosawa est par la suite impliqué dans des projets hollywoodiens beaucoup plus ambitieux. Tora ! Tora ! Tora !, produit par la 20th Century Fox et Kurosawa Production, est une description de l'attaque de Pearl Harbor selon les points de vue américain et japonais. La partie japonaise du film est initialement confiée à Kurosawa, la partie américaine à un réalisateur anglophone. Kurosawa passe plusieurs mois à travailler sur le scénario en compagnie de Ry?z? Kikushima et Hideo Oguni, mais, rapidement, le projet commence à se désagréger. Le réalisateur choisi pour les passages américains n'est pas comme prévu le célèbre anglais David Lean, ce que les producteurs avaient fait croire à Kurosawa, mais Richard Fleischer, un expert en effets spéciaux beaucoup moins connu que Lean. Le budget initial subit également des coupes, et la durée de film allouée aux séquences japonaises ne doit pas excéder 90 minutes, ce qui se révèle un gros problème pour Kurosawa, dont le script dépasse les 4 heures. En , après une multitude de modifications, un accord est trouvé pour un scénario tronqué et plus ou moins fini. Le tournage débute en décembre, mais Kurosawa reste à peine trois semaines en tant que réalisateur. Son équipe et ses méthodes de travail sont peu familières aux exigences d'une production hollywoodienne et laissent perplexes les producteurs américains, qui en concluent que Kurosawa est un malade mental. Au Noël 1968, les producteurs annoncent que Kurosawa quitte la production, officiellement pour « fatigue ». Officieusement, il en est congédié. Finalement, il est remplacé par les deux réalisateurs Kinji Fukasaku et Toshio Masuda.
Tora ! Tora ! Tora ! sort finalement en sous des critiques peu enthousiastes, et reste une véritable tragédie dans la carrière du cinéaste. Kurosawa consacra en effet plusieurs années de sa vie sur un projet à la logistique cauchemardesque, pour finalement ne pas réaliser un seul mètre de film. De plus, son nom est enlevé des crédits, alors que le script des séquences japonaises reste celui qu'il a coécrit. Par la suite, il se détache de son collaborateur de longue date, l'écrivain Ry?z? Kikushima, et ne travaille plus jamais avec lui. Le projet met également au grand jour une affaire de corruption au sein de sa propre société de production ? une situation proche d'un de ses films, Les salauds dorment en paix. Sa santé mentale fut remise en question. Enfin, le milieu du cinéma japonais commence à le suspecter de vouloir mettre un terme à sa carrière.
Sachant que sa réputation est en jeu après la débâcle du très médiatisé Tora ! Tora ! Tora !, Kurosawa passe rapidement à un nouveau projet. Keisuke Kinoshita, Masaki Kobayashi et Kon Ichikawa, trois amis de Kurosawa, viennent épauler le réalisateur. En , ils créent à eux quatre une société de production qu'ils nomment le Club des Quatre Chevaliers (Yonki no kai. Bien que l'idée de base de cette société est de permettre aux quatre réalisateurs de créer un film chacun, il est parfois évoqué que la véritable motivation des trois autres réalisateurs est d'offrir plus facilement à Kurosawa la possibilité de mener à terme un film, et ainsi de signer son retour dans l'industrie du cinéma. )
Le premier projet proposé est un film historique appelé Dora-Heita, mais il est jugé trop coûteux, et Kurosawa se tourne alors vers Dodes'kaden (??????, Dodesukaden ), nouvelle adaptation d'une ?uvre de Yamamoto portant à nouveau sur les pauvres et les démunis. Kurosawa voulant démontrer qu'il est toujours capable de travailler rapidement et efficacement avec un budget restreint, le film est rapidement tourné en neuf semaines. Pour son premier travail en couleur, il laisse de côté le montage dynamique et les compositions complexes et se concentre davantage sur la création d'une palette de couleurs primaires audacieuse, quasi surréaliste, afin de mettre en valeur la toxicité de l'environnement des personnages. Le film sort en au Japon, où il rencontre un succès limité auprès des critiques et une totale indifférence du public. L'échec financier important cause la dissolution du Club des Quatre Chevaliers. À sa sortie à l'étranger, le film est relativement bien accueilli par la critique, mais est depuis considéré comme incomparable avec les meilleurs travaux du réalisateur.
Après avoir connu des difficultés pendant la production de Dodesukaden, Kurosawa se tourne vers la télévision l'année suivante, pour la seule fois de sa carrière, avec Uma no uta (??? ), un documentaire sur les chevaux de course pur-sang. Il comporte une voix off narrée par un homme et un enfant fictifs, interprétés par les mêmes acteurs que le mendiant et son fils dans Dodesukaden. Kurosawa retrouve aussi son collaborateur habituel Masaru Sat?, qui compose la musique. Il s'agit du seul documentaire dans la filmographie de Kurosawa, et du seul film qu'il n'a pas monté lui-même, dans la mesure où un monteur est crédité.
Incapable d'obtenir des financements pour les projets à venir et souffrant de problèmes de santé, Kurosawa semble atteindre un point de rupture : le , il se tranche la gorge et les poignets à plusieurs reprises. Cette tentative de suicide échoue, et Kurosawa guérit assez rapidement. Il décide alors de se réfugier dans sa vie privée, ne sachant pas s'il réalisera de nouveaux films.
Au début de l'année 1973, le studio soviétique Mosfilm souhaite travailler avec le réalisateur. Kurosawa leur propose alors l'adaptation d'une autobiographie de l'explorateur russe Vladimir Arseniev, intitulée Dersou Ouzala, qu'il souhaite réaliser depuis les années 1930. Le roman traite d'un chasseur Hezhen vivant en harmonie avec la nature avant qu'elle ne soit détruite par la civilisation. En , Kurosawa, alors âgé de 63 ans, part s'installer un an et demi en Union Soviétique avec quatre de ses plus proches collaborateurs. Le tournage commence en en Sibérie dans des conditions naturelles extrêmement difficiles, et se termine en . Kurosawa, alors épuisé et souffrant du mal du pays, retourne au Japon dès le mois de juin. La première mondiale de Dersou Ouzala (????????, Derusu Uz?ra ) a lieu le . Alors que la critique japonaise reste muette, le film est chaleureusement accueilli à l'étranger, remportant le Prix d'Or du Festival international du film de Moscou ainsi que l'Oscar du meilleur film en langue étrangère. Le succès au box-office est également au rendez-vous. Aujourd'hui, la critique reste divisée : certains y voient un exemple du déclin de Kurosawa, tandis que d'autres comptent le film parmi ses travaux les plus aboutis.
Bien qu'il reçoive des propositions de projets pour la télévision, Kurosawa ne manifeste aucun intérêt à sortir du monde du cinéma. Néanmoins, en 1976, il accepte d'apparaître dans une série de publicités télévisées pour le whisky Suntory. Craignant de ne plus pouvoir réaliser de nouveaux films, il continue néanmoins de travailler sur divers projets, écrire de nouveaux scénarios et créer des illustrations détaillées de ses travaux dans l'intention de laisser derrière lui une empreinte visuelle de ses plans, au cas où il ne pourrait les filmer.
En 1977, le réalisateur américain George Lucas sort le premier épisode de la saga Star Wars, un film de science-fiction au succès planétaire influencé par La Forteresse cachée de Kurosawa. Lucas, qui vénère Kurosawa et le considère comme un modèle, est choqué d'apprendre que le Japonais est incapable de trouver les fonds nécessaires pour un nouveau film. En , Lucas et Kurosawa se rencontrent à Los Angeles pour évoquer le projet le moins risqué du réalisateur japonais : Kagemusha, l'Ombre du guerrier (???, Kagemusha ), une épopée racontant l'histoire d'un voleur qui devient le double d'un seigneur japonais. Lucas est passionné par le scénario et les illustrations de Kurosawa et use alors de son influence pour convaincre la 20th Century Fox de produire le film, dix ans après l'échec de Tora ! Tora ! Tora !. Lucas parvient également à engager Francis Ford Coppola ? un autre fan de Kurosawa ? en tant que coproducteur.
La production de Kagemusha débute en avec un Kurosawa de bonne humeur. Le tournage s'étale de à et n'est pas épargné de problèmes, avec notamment le renvoi de l'acteur principal Shintar? Katsu. Katsu est remplacé par Tatsuya Nakadai, qui joue alors le premier de ses deux rôles principaux avec Kurosawa. Le film est terminé avec quelques semaines de retard et sort à Tokyo en . Kagemusha devient rapidement un succès au Japon. Il s'agit également d'un succès à l'étranger, tant au niveau des critiques qu'au box-office. Le film remporte la Palme d'or au Festival de Cannes 1980 en mai. Malgré tout, certains critiques dénoncent à l'époque et encore aujourd'hui une certaine froideur dans le film. Kurosawa passe le reste de l'année 1980 à promouvoir son film, à recevoir des récompenses et à exposer ses peintures, qui ont servi de storyboards.
Le succès international de Kagemusha permet à Kurosawa d'entamer son projet suivant, Ran (? ), une autre épopée. Le scénario, en partie fondé sur la tragédie Le Roi Lear de William Shakespeare, dépeint un sanguinaire daimyo (interprété par Tatsuya Nakadai) qui, après avoir banni son seul fils loyal, lègue son royaume à ses deux autres fils, qui ne tardent pas à le trahir, plongeant alors le royaume tout entier dans une guerre fratricide. Les studios japonais sont réticents pour produire un des films les plus coûteux de l'histoire du pays, et un financement étranger est une nouvelle fois nécessaire. Cette fois-ci, c'est le producteur français Serge Silberman qui vient en aide à Kurosawa. Le tournage ne commence qu'en , et dure plus d'un an.
En , la femme de Kurosawa, Y?ko, tombe malade, et la production de Ran est stoppée. Y?ko meurt le à l'âge de 64 ans. La première du film a lieu le au Festival international du film de Tokyo. Le film est un succès financier modeste au Japon, mais beaucoup plus important à l'étranger. Comme précédemment pour Kagemusha, Kurosawa commence un tour d'Europe pour la promotion de son film jusqu'à la fin de l'année.
Ran remporte plusieurs récompenses au Japon, mais n'est pas aussi acclamé que d'autres travaux de Kurosawa des années 1950 et 1960. Le monde du cinéma est très surpris lorsque le Japon décide de ne pas sélectionner le film pour l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1986. Mais Kurosawa et les producteurs attribuent ce choix à une incompréhension : à cause de la complexité du règlement de l'Academy, personne ne sait si le film peut concourir pour le Japon, pour la France (par son financement), ou bien pour les deux. En réponse à ce petit scandale, le réalisateur Sidney Lumet milite pour que Kurosawa soit nommé à l'Oscar du meilleur réalisateur (remporté cette année-là par Sydney Pollack pour Out of Africa). La costumière de Ran, Emi Wada, reçoit finalement le seul Oscar du film.
Kagemusha et Ran sont souvent cités parmi les films les plus aboutis d'Akira Kurosawa. Après sa sortie, Kurosawa évoque Ran comme son meilleur film, contrairement à son attitude habituelle qui consistait à répondre « le prochain » lorsqu'on lui demandait de citer son meilleur film.
Pour son film suivant, Kurosawa choisit un sujet très différent de ce qu'il a pu aborder tout au long de sa carrière. Rêves (?, Yume ), un film profondément personnel, est entièrement basé sur les propres rêves du réalisateur. Pour la première fois depuis près de quarante ans, Kurosawa s'attelle seul à l'écriture du scénario. Bien que le budget prévisionnel soit plus faible que Ran, les studios japonais restent réticents à produire un nouveau film de Kurosawa. Le cinéaste se tourne alors vers un autre de ses admirateurs célèbres, le réalisateur américain Steven Spielberg, qui persuade la Warner Bros. de racheter les droits du film. Ce rachat permet à Hisao Kurosawa, le fils d'Akira, coproducteur et futur dirigeant de Kurosawa Productions, de négocier plus facilement un prêt au Japon permettant de couvrir les frais de production. Le tournage dure plus de huit mois, et Rêves est projeté pour la première fois en au Festival de Cannes. L'accueil au Festival est poli mais discret, et il en est de même lors de sa diffusion internationale.
Kurosawa se tourne ensuite vers une histoire plus conventionnelle, Rhapsodie en août (??????, Hachi-gatsu no ky?shikyoku ), qui s'intéresse aux cicatrices du bombardement nucléaire de Nagasaki à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le scénario est une adaptation du roman de Kiyoko Murata, mais les références au bombardement viennent du réalisateur et non du livre. Le film, le premier entièrement produit au Japon depuis Dodes'kaden, est également le premier film de Kurosawa dans lequel apparaît une star du cinéma américain, en l'occurrence Richard Gere dans le petit rôle du neveu de l'héroïne. Le tournage a lieu début 1991 et sort le de la même année. Les critiques sont très mauvaises, notamment aux États-Unis où Kurosawa est accusé d'antiaméricanisme.
Kurosawa ne perd pas de temps et passe très rapidement à son projet suivant, Madadayo (?????, M?dadayo ). Basé sur les essais autobiographiques de Hyakken Uchida, le film suit la vie d'un Japonais professeur d'allemand durant la Seconde Guerre mondiale et l'après-guerre. Le récit est centré sur les célébrations d'anniversaires avec ses élèves, au cours desquelles le protagoniste répète son refus de mourir tout de suite ? un thème de plus en plus récurrent dans les travaux du réalisateur alors âgé de 81 ans. Le tournage débute en et se termine en septembre. Le film sort le , mais récolte des critiques encore plus mauvaises et décevantes que ses deux films précédents.
Cet échec n'empêche toutefois pas Kurosawa de continuer à travailler. En 1993, il écrit le scénario original de La mer regarde (??????, Umi wa miteita ), suivi en 1995 du script de Après la pluie (????, Ame agaru ). Alors qu'il finalise ce dernier en 1995, Kurosawa chute et se brise la base de la colonne vertébrale. À la suite de cet accident, il doit utiliser un fauteuil roulant pour le reste de sa vie, mettant fin aux espoirs de le revoir un jour réaliser un nouveau film. Son souhait répété de mourir sur le tournage d'un film ne se réalise pas.
Après cet accident en 1995, la santé d'Akira Kurosawa commence à se détériorer. Alors que son esprit est toujours vif et fort, son corps l'abandonne, et pour les six derniers mois de sa vie, le cinéaste reste chez lui, au lit, à écouter de la musique et regarder la télévision. Le , Akira Kurosawa meurt d'une attaque cérébrale à Setagaya (Tokyo) à l'âge de 88 ans.
Au moment de sa mort, Kurosawa a deux enfants, son fils Hisao, qui a épousé Hiroko Hayashi, et sa fille Kazuko Kurosawa, qui a épousé Harayuki Kat?, ainsi que plusieurs petits-enfants. L'un de ses petits-enfants, l'acteur Takayuki Kat?, fils de Kazuko, joue un second rôle dans deux films développés à titre posthume à partir de scénarios écrits par Kurosawa et restés sans suite de son vivant, Après la pluie (????, Ame agaru ) de Takashi Koizumi et La mer regarde (??????, Umi wa miteita ) de Kei Kumai, sortis respectivement en 1999 et 2002.
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