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Naissance | Fort-de-France |
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Décès |
(à 36 ans) Bethesda |
Sépulture |
Aïn Kerma |
Nationalité |
française |
Formation |
Université de Lyon |
Activités |
Écrivain, essayiste, sociologue, psychiatre, philosophe, homme politique |
Conjoint |
Josie Fanon (d) |
Enfant |
Mireille Fanon-Mendès-France |
Conflits |
Guerre d'Algérie Seconde Guerre mondiale |
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Mouvement |
Décolonialité |
Influencé par |
Jean-Paul Sartre, Aimé Césaire |
Archives conservées par |
Institut mémoires de l'édition contemporaine (178FNN) |
Les Damnés de la Terre, L'An V de la révolution algérienne, Peau noire, masques blancs |
Frantz Fanon, né le à Fort-de-France (Martinique) et mort le à Bethesda dans un hôpital militaire de la banlieue de Washington aux États-Unis, est un psychiatre et essayiste de nationalité française se considérant comme citoyen algérien, fortement impliqué dans la lutte pour l'indépendance de l'Algérie et dans un combat international dressant une solidarité entre « frères » opprimés.
Il est l'un des fondateurs du courant de pensée tiers-mondiste, et une figure majeure de l'anticolonialisme. Il a inspiré les études postcoloniales. Il cherche à analyser les conséquences psychologiques de la colonisation à la fois sur le colon et sur le colonisé. Dans ses livres les plus connus comme Les Damnés de la Terre, il analyse le processus de décolonisation sous les angles sociologique, philosophique et psychiatrique.
Frantz Fanon, né à Fort-de-France en Martinique, est le cinquième enfant d'une famille afro-caribéenne de huit enfants. Il reçoit son instruction au lycée Victor-Sch?lcher de Fort-de-France, où Aimé Césaire enseigne à l'époque.
En 1943, il s'engage dans l'Armée française de la Libération après le ralliement des Antilles françaises au général de Gaulle. Il explique ce choix par le fait que « chaque fois que la liberté et la dignité de l'homme sont en question, nous sommes tous concernés, Blancs, Noirs ou Jaunes ». Combattant sous les ordres du général de Lattre de Tassigny, il est blessé dans les Vosges. Parti se battre pour un idéal, il est confronté à « la discrimination ethnique, à des nationalismes au petit pied ». Toujours membre de l'armée française, il est ensuite envoyé quelques semaines en Algérie, qui sont pour lui l'occasion d'observer la structure de la société coloniale qu'il conçoit comme « pyramidale » (colons riches, petits-blancs, juifs, indigènes évolués, masse du peuple) et intrinsèquement raciste.
De retour en Martinique, il passe le baccalauréat et s'engage avec son frère Joby dans le soutien à la candidature d'Aimé Césaire qui se présente aux élections législatives d'octobre 1945 pour le Parti communiste français. Ayant reçu une citation par le général Salan, il obtient une bourse d'enseignement supérieur au titre d'ancien combattant, ce qui lui permet de faire des études de médecine en France métropolitaine, tout en suivant des leçons de philosophie et de psychologie à l'université de Lyon, notamment celles de Maurice Merleau-Ponty. Sur le plan politique, il dirige le journal étudiant Tam-Tam et participe à différentes mobilisations anticolonialistes avec les Jeunesses communistes, dont il n'est cependant pas membre.
Fanon soutient sa thèse en psychiatrie à Lyon en 1951. Il part faire son apprentissage à l'hôpital de Saint-Alban, à Saint-Alban-sur-Limagnole en Lozère, pendant quinze mois. C'est là qu'il rencontre le psychiatre François Tosquelles au printemps 1952. « Cette formation est déterminante tant sur le plan de la psychiatrie que sur celui de ses futurs engagements politiques. Aux côtés de Tosquelles, il interroge l'aliénation dans tous ses registres, haut-lieu de rencontre entre physiologique et historique ».
Ses études en psychiatrie lui sont très utiles car elles lui permettent de soutenir ses idées et les causes de celles-ci. Grâce à ses études et ses rencontres, il va commencer à construire la défense de ses futures idées et thèses. En effet, Fanon explique certains problèmes psychologiques des minorités et des colonisés par l'étude de cas des victimes du colonialisme. Fanon et son équipe insistent sur la nécessité d'analyser les traumatismes coloniaux passés, pour expliquer l'état psychologique, émotionnel et physique des générations à ce jour.
Ils examinent l'histoire des opprimés et étudient les aspects psychologiques pour pouvoir démontrer les liens qui y sont associés aux générations d'aujourd'hui. Fanon affirme que plusieurs troubles à ce jour sont les résultats des traumatismes coloniaux d'autrefois. Dans ces études, se trouve la « justification » des troubles mentaux, physiques et sexuels qui seraient causés par la violence coloniale. Ce sont des études très détaillées qui tiennent à défendre le fait qu'étudier l'état psychologique, émotionnel et sexuel des opprimés d'autrefois, prouverait les traces qui ont été gardées sur les libres d'aujourd'hui.
À partir de son expérience de noir minoritaire au sein de la société française et de ses observations en Algérie, il rédige Peau noire, masques blancs, dénonciation du racisme et de la « colonisation linguistique » dont il s'estime lui-même une des victimes en Martinique. Ce livre est mal perçu à sa publication en 1952. Frantz Fanon évoquera à de multiples reprises le racisme dont il se sent victime dans les milieux intellectuels parisiens, affirmant ainsi que « le Sud américain est pour le nègre un doux pays à côté des cafés de Saint-Germain ».
En 1953, il devient médecin-chef d'une division de l'hôpital psychiatrique de Blida-Joinville en Algérie et y introduit des méthodes modernes de « sociothérapie » ou « psychothérapie institutionnelle », qu'il adapte à la culture des patients musulmans algériens ; ce travail sera explicité dans la thèse de son élève, le futur psychiatre et psychanalyste Jacques Azoulay. Il entreprend ensuite, avec ses internes, une exploration des mythes et rites traditionnels de la culture algérienne. Sa volonté de désaliénation et de décolonisation du milieu psychiatrique algérien s'oppose de front aux thèses racistes de l'École algérienne de psychiatrie d'Antoine Porot : « Hâbleur, menteur, voleur et fainéant, le Nord-Africain musulman se définit comme un débile hystérique, sujet, de surcroît, à des impulsions homicides imprévisibles ». « L'indigène nord-africain, dont le cortex cérébral est peu évolué, est un être primitif dont la vie essentiellement végétative et instinctive est surtout réglée par le diencéphale ». « L'Algérien n'a pas de cortex, ou, pour être plus précis, il est dominé, comme chez les vertébrés inférieurs, par l'activité du diencéphale ».
Pour Fanon, c'est bien plutôt la colonisation qui entraîne une dépersonnalisation, qui fait de l'homme colonisé un être « infantilisé, opprimé, rejeté, déshumanisé, acculturé, aliéné », propre à être pris en charge par l'autorité colonisatrice.
« La première chose que l'indigène apprend, c'est à rester à sa place, à ne pas dépasser les limites ; c'est pourquoi les rêves de l'indigène sont des rêves musculaires, des rêves d'action, des rêves agressifs. Je rêve que je saute, que je nage, que je cours, que je grimpe. Je rêve que j'éclate de rire, que je franchis le fleuve d'une enjambée, que je suis poursuivi par une meute de voitures qui ne me rattrapent jamais. Pendant la colonisation, le colonisé n'arrête pas de se libérer entre neuf heures du soir et six heures du matin. Cette agressivité sédimentée dans ses muscles, le colonisé va d'abord la manifester contre les siens. C'est la période où les nègres se bouffent entre eux et où les policiers, les juges d'instruction ne savent plus où donner de la tête devant l'étonnante criminalité nord-africaine. »
Dès le début de la guerre d'Algérie, en 1954, il s'engage auprès de la résistance nationaliste et noue des contacts avec certains officiers de l'Armée de libération nationale ainsi qu'avec la direction politique du Front de libération nationale (FLN), Abane Ramdane et Benyoucef Benkhedda en particulier. Il remet au gouverneur Robert Lacoste sa démission de médecin-chef de l'hôpital de Blida-Joinville en novembre 1956 puis est expulsé d'Algérie en .
Il décide de rompre avec sa nationalité française et se définit comme Algérien. Il rejoint le FLN à Tunis, où il collabore à l'organe central de presse du FLN, El Moudjahid, comme spécialiste des problèmes de torture parce qu'il avait soigné plusieurs tortionnaires en tant que psychiatre à l'hôpital de Blida. En 1958, il se fait établir un vrai-faux passeport tunisien au nom d'Ibrahim Omar Fanon. En 1959, il fait partie de la délégation algérienne au congrès panafricain d'Accra ; il publie la même année L'An V de la révolution algérienne publié par François Maspero. En , il est nommé ambassadeur du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) au Ghana. Il échappe durant cette période à plusieurs attentats au Maroc et en Italie. Il entame à la même époque l'étude du Coran, sans pour autant se convertir.
Très critique sur les dirigeants africains ralliés à la Communauté française (association entre la France et ses colonies), il s'interroge sur les causes de l'attitude des bourgeoisies nationales devant le système colonial. Selon lui, le colonialisme façonne au sein de la société indigène une classe de nature bourgeoise en raison de ses privilèges matériels mais qui n'aurait aucun rôle économique (pas de « capitaines d'industrie ») et serait confinée à des activités de types intermédiaires. Elle se trouve dès lors uniquement dédiée à la défense des intérêts du colonialisme. Ainsi, au moment de concéder l'indépendance, les puissances coloniales transmettent le pouvoir à des bourgeoisies asservies qui prennent le rôle de « gérantes des entreprises de l'Occident ». Pour lui, la décolonisation ne serait effective dans ces pays que sur le plan culturel (retour aux anciennes traditions) alors que le colonialisme se maintiendrait sur le plan économique.
Il considère par ailleurs que l'indépendance nationale n'a de sens qu'en intégrant les questions sociales, qui déterminent ce qu'il nomme le « degré de réalité » de cette indépendance (accès au pain, à la terre, au pouvoir pour les classes populaires). Cette approche le conduit à associer l'indépendance au socialisme, qu'il définit comme un « régime tout entier tourné vers l'ensemble du peuple, basé sur le principe que l'homme est le bien le plus précieux ». Il milite également en faveur du panafricanisme.
Dès ses premiers écrits, Fanon ne cesse de se référer au philosophe Jean-Paul Sartre (notamment à Réflexions sur la question juive, Orphée noir, et L'Être et le Néant). À la publication de la Critique de la raison dialectique (1960), il se fait envoyer une copie de l'ouvrage et il parvient à le lire malgré son état de faiblesse provoqué par sa leucémie. Il fait même une conférence sur la Critique de la raison dialectique aux combattants algériens de l'Armée de libération nationale.
C'est en 1960 qu'il demande à Claude Lanzmann et Marcel Péju, venus à Tunis pour parler au dirigeant du GPRA, de rencontrer le philosophe. Il veut également que Sartre préface son dernier ouvrage, Les Damnés de la Terre. Ainsi écrit-il à l'éditeur François Maspéro : « Demandez à Sartre de me préfacer. Dites-lui que chaque fois que je me mets à ma table, je pense à lui ».
La rencontre a lieu à Rome, pendant l'été 1961. Sartre interrompt son strict régime de travail pour passer trois jours entiers à parler avec Fanon. Comme le raconte Claude Lanzmann, « pendant trois jours, Sartre n'a pas travaillé. Nous avons écouté Fanon pendant trois jours. [?] Ce furent trois journées éreintantes, physiquement et émotionnellement. Je n'ai jamais vu Sartre aussi séduit et bouleversé par un homme ». L'admiration est réciproque, comme le rapporte Simone de Beauvoir : « Fanon avait énormément de choses à dire à Sartre et de questions à lui poser. « Je paierais vingt mille francs par jour pour parler avec Sartre du matin au soir pendant quinze jours », dit-il en riant à Lanzmann ».
Atteint d'une leucémie, il se fait soigner à Moscou, puis, en octobre 1961, à Bethesda près de Washington, où il meurt le 6 décembre 1961 à l'âge de 36 ans, quelques mois avant l'indépendance algérienne, sous le nom d'Ibrahim Omar Fanon. Dans une lettre laissée à ses amis, il demandera à être inhumé en Algérie. Son corps est transféré à Tunis, et sera transporté par une délégation du GPRA à la frontière. Son corps sera inhumé par Chadli Bendjedid, qui devient plus tard président algérien, dans le cimetière de Sifana près de Sidi Trad, en Algérie. Avec lui, sont inhumés trois de ses ouvrages : Peau noire, masques blancs, L'an V de la révolution algérienne et Les Damnés de la Terre. Sa dépouille sera transférée en 1965, et inhumée au cimetière des « Chouhadas » (cimetière des martyrs de la guerre) près de la frontière algéro-tunisienne, dans la commune d'Aïn El Kerma (wilaya d'El Tarf).
Il laisse derrière lui son épouse, Marie-Josèphe Dublé, dite Josie (morte le et inhumée au cimetière d'El Kettar au centre d'Alger), et deux enfants : Olivier, né en 1955, et Mireille, qui épousera Bernard Mendès France (fils de Pierre Mendès France).
En hommage à son travail en psychiatrie et à son soutien à la cause algérienne, trois hôpitaux en Algérie, l'hôpital psychiatrique de Blida, où il a travaillé, un des hôpitaux de Béjaïa et un hôpital à Annaba, portent son nom.
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