source wikipédia

Benjamin Constant
Fonctions
Membre de la Chambre des députés
Première législature de la monarchie de Juillet (d)
Bas-Rhin
-
Membre de la Chambre des députés des départements
Quatrième législature de la Seconde Restauration (d)
Bas-Rhin
-
Georges Humann
Membre de la Chambre des députés des départements
Troisième législature de la Seconde Restauration (d)
Seine
-
Claude Tircuy de Corcelle
Membre de la Chambre des députés des départements
Deuxième législature de la Seconde Restauration
Sarthe
-
Biographie
Naissance
Voir et modifier les données sur Wikidata
LausanneVoir et modifier les données sur Wikidata
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 63 ans)
ParisVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Cimetière du Père-Lachaise, Grave of Constant (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Nom de naissance
Henri-Benjamin Constant de RebecqueVoir et modifier les données sur Wikidata
Nationalités
suisse (-)
française (-)Voir et modifier les données sur Wikidata
Formation
Université d'ÉdimbourgVoir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Philosophe, diariste, écrivain, homme politique, scientifiqueVoir et modifier les données sur Wikidata
Période d'activité
-Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Louise Marie Anne d'Estournelles Constant de Rebecque (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Charlotte Constant de Rebecque (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Autres informations
Mouvements
Libéralisme, romantismeVoir et modifier les données sur Wikidata
Genre artistique
RomanVoir et modifier les données sur Wikidata
Distinction
Grand prix des Meilleurs romans du XIXe siècle (d) ()Voir et modifier les données sur Wikidata
?uvres principales
AdolpheVoir et modifier les données sur Wikidata
Plaque à Lausanne.
Vue de la sépulture.

Benjamin Constant de Rebecque, né le à Lausanne et mort le à Paris, est un romancier, homme politique, et intellectuel (philosophe) français d'origine suisse vaudoise.

Républicain et engagé en politique depuis 1795, il soutient le coup d'État du 18 fructidor an V (), puis celui du 18 Brumaire (an VIII : ). Il devient, sous le Consulat, le chef de l'opposition libérale dès 1800. Après avoir quitté la France pour la Suisse puis l'Allemagne, il se rallie à Napoléon pendant les Cent-Jours, et revient en politique sous la Restauration. Élu député en 1819, il le sera encore à sa mort en 1830. Chef de file de l'opposition libérale, connue sous le nom des célèbres « Indépendants », il est l'un des orateurs les plus en vue de la Chambre des députés et défend le régime parlementaire. Lors de la révolution de Juillet, il soutient l'installation de Louis-Philippe sur le trône.

Auteur de nombreux essais sur des questions politiques ou religieuses, Benjamin Constant a également écrit des romans psychologiques sur le sentiment amoureux comme Le Cahier rouge (1807) et Adolphe (1816), où se retrouvent des éléments autobiographiques de son amour pour les nombreuses femmes de sa vie.

Biographie

[modifier | modifier le code]
Les Chevaliers, roman héroïque en cinq chants, composé par Benjamin Constant à l'âge de douze ans.

Famille et formation

[modifier | modifier le code]

Benjamin Constant naît le à Lausanne en Suisse, fils unique de Louis-Arnold-Juste Constant de Rebecque (1726-1812), colonel dans un régiment suisse au service de la Hollande (stationné à Huningue en ) et d'Henriette-Pauline de Chandieu-Villars, qui meurt des suites de ses couches le à l'âge de 25 ans. La famille Constant de Rebecque est huguenote, originaire de l'Artois et devenue protestante au XVI siècle. Elle se réfugie dans la région de Lausanne après la révocation de l'Édit de Nantes (1685).

Isabelle de Charrière.
Léon-Pascal Gland, Louise-Julie Carreau-Talma avec qui Constant se lie d'amitié.

Suivant son père constamment en voyage, il passe sa jeunesse entre Lausanne, Bruxelles (1779), les Provinces-Unies (1780) et l'Angleterre (1780). Il fait ensuite ses études à l'université d'Erlangen en Bavière (1782), d'où à la suite d'un duel, son père l'expédie en Écosse à l'université d'Édimbourg (1783-85). Il passe la plus grande partie de sa vie en France, en Suisse et au Royaume-Uni. En 1787, il rencontre à Paris M de Charrière, avec laquelle il entame une liaison et une longue correspondance. Son père l'attache en comme chambellan à la cour de Brunswick, où il épouse le Johanne Wilhelmine Luise, dite « Minna », baronne de Cramm (1758-1825) et dame d'honneur de la duchesse de Brunswick Augusta de Hanovre, puis devient conseiller de légation. Le , il rencontre Charlotte de Hardenberg (1769-1845), fille d'un conseiller de légation et nièce de Hardenberg, mariée depuis 1787 à Wilhelm Albrecht Christian, baron de Mahrenholz (1752-1808), avec laquelle il se lie d'amitié. Charlotte divorce, tandis que les Constant se séparent fin , avant d'engager en une procédure de divorce, lequel est prononcé le . Après le départ de Constant en , Charlotte se remarie à Brunswick le avec le vicomte Alexandre-Maximilien du Tertre (1774-1851), un émigré français dont elle divorce en . Après l'avoir rencontrée le à Lausanne, il entretient de 1794 à 1810 une liaison fameuse avec Germaine de Staël. La paternité de la fille de cette dernière, Albertine, lui est attribuée. La richesse de leurs échanges intellectuels au sein du Groupe de Coppet en fait l'un des couples les plus en vue de leur époque. Il échange une longue correspondance avec sa cousine Rosalie, pour qui il a beaucoup d'affection.

Mme de Staël avec sa fille Albertine, fille présumée de Constant vers 1805.

Or, le , Benjamin et Charlotte se marient en secret. Charlotte reste l'épouse de Benjamin jusqu'à la mort de celui-ci en 1830, et meurt elle-même en .

Sous la Révolution française

[modifier | modifier le code]

Quittant la Suisse, Benjamin Constant arrive à Paris avec M de Staël le , peu après la journée de prairial, et fait ses débuts politiques. Il est très actif dans la vie publique durant la deuxième moitié de la Révolution française.

Il commence par publier un violent réquisitoire contre le projet de décret des deux-tiers, avant de faire volte-face, un mois plus tard, et d'appeler, sous l'influence de Jean-Baptiste Louvet de Couvray, avec lequel il s'est lié d'amitié, au soutien de la constitution de l'an III et des conventionnels qui l'ont enfantée. Il publie les « Lettres à un député de la Convention » dans les Nouvelles politiques, nationales et étrangères de Suard (-). Le , le Comité de salut public exilant M de Staël, il la suit dans sa propriété de Coppet sur les rives du lac Léman, en Suisse.

Il se fait naturaliser français grâce à une loi du déclarant Français les descendants de familles expatriées pour cause de religion (les protestants en l'occurrence), à condition qu'ils s'installent en France.

Le 20 thermidor an III (), il achète l'abbaye d'Hérivaux située près de Luzarches.

Entre l'insurrection royaliste du 13 vendémiaire an IV () et celle du coup d'État du 18 fructidor an V (), il s'émancipe quelque peu de la tutelle et du salon de M de Staël et se lie avec Paul Barras, l'un des cinq directeurs du Directoire, s'engageant en faveur de la politique directoriale. Mi-, il publie sa première brochure politique importante : De la force du gouvernement actuel et de la nécessité de s'y rallier, insérée dans Le Moniteur. Fin mai-début , il publie Des effets de la Terreur à la suite de la seconde édition de De la force du gouvernement actuel et de la nécessité de s'y rallier. Devenu orateur au Cercle constitutionnel de la rue de Lille, qui réunit les républicains modérés, il s'oppose au club de Clichy.

Après le coup d'État du 18 fructidor an V, il sollicite auprès de Barras, dans une lettre datée du , d'être agréé par le gouvernement comme candidat officiel, mais sans succès. Le virage à gauche du Directoire et la poussée électorale des Néojacobins le marginalisent. La presse directoriale et néojacobine lance de vives campagnes contre ce « professeur d'oligarchie ». Lors des élections de l'an VI (), il subit un échec cuisant. Malgré la mobilisation des réseaux de M de Staël, il ne parvient pas à devenir député du Léman. De retour à Paris, exclu de la compétition électorale de l'an VII (), il se lie avec Sieyès, nommé au Directoire le , et soutient ses projets de révision constitutionnelle.

Absent de Paris du au 17 brumaire pour se porter à la rencontre de M de Staël, alors de retour dans la capitale, il y arrive en sa compagnie le soir du 18 brumaire (). Le lendemain, il assiste à Saint-Cloud au coup d'État de Bonaparte. Le , Sieyès, qui est alors occupé à placer ses amis et alliés, le fait nommer au Tribunat, malgré de nombreuses oppositions et les réticences de Bonaparte.

Avec d'autres libéraux, il s'oppose bientôt à la monarchisation du nouveau régime, notamment à l'établissement des tribunaux spéciaux, et participe à la rédaction définitive du Code civil. Le , il prononce au Tribunat son premier discours, qui le fait apparaître comme le chef de l'opposition libérale, dans lequel il dénonce « le régime de servitude et de silence » qui se prépare. L'été voit son départ pour la Suisse, et, le il est écarté du Tribunat.

Éloigné de Paris avec M de Staël sur l'ordre de Bonaparte en , ils passent à l'Électorat de Saxe. À Weimar, ils rencontrent Friedrich von Schiller, Johann Wolfgang von Goethe, Christoph Martin Wieland et Johann Gottfried von Herder. Nommé membre de l'académie de Göttingen, il traduit en vers français le Wallenstein de Schiller (1809).

Sous l'Empire

[modifier | modifier le code]
Johann Heinrich Schröder, portrait de Charlotte von Hardenberg, épouse en secondes noces de Constant en 1808.

En , il retrouve à Paris Charlotte de Hardenberg, avec laquelle il entame une liaison en . M de Staël ayant refusé de l'épouser après le décès de son époux, Charlotte et le vicomte du Tertre ayant divorcé en 1807, Benjamin Constant se marie secrètement avec Charlotte à Besançon, le . Entré vers la même époque en relation avec Bernadotte, il est décoré de l'Étoile polaire.

En 1814, il fait paraître De l'esprit de conquête et d'usurpation dans leurs rapports avec la civilisation européenne, hostile à Napoléon. Par l'entremise de M Récamier, il est chargé par Caroline Bonaparte, reine consort de Naples de défendre ses intérêts au Congrès de Vienne. Sous la Première Restauration, il défend l'alliance des Bourbons avec l'héritage issu de la Révolution dans Le Journal des Débats. Aussi, quand lui parvient la nouvelle du retour de l'île d'Elbe de Napoléon, il publie le un article dans lequel il le traite « d'Attila, de Gengis Khan, plus terrible, plus odieux encore », affirmant : « Je n'irai pas, misérable transfuge, me traîner d'un pouvoir à l'autre, couvrir l'infamie par le sophisme, et bégayer des paroles profanées pour racheter une existence honteuse ». Puis il part pour Nantes avec l'idée de s'exiler aux États-Unis, avant de rentrer à Paris, où Napoléon le fait appeler le 14 avril pour lui demander un projet de constitution.

Les Cent-Jours

[modifier | modifier le code]

Rallié à l'Empire, il est nommé au Conseil d'État () et participe à la rédaction de l'Acte additionnel (). Il formule sa théorie du régime parlementaire dans Principes de politique applicables à tous les gouvernements représentatifs ().

Après la seconde abdication de Napoléon, il se réfugie à Bruxelles (), puis en Angleterre (), bien que sa condamnation à l'exil, prononcée le , ait été révoquée par le roi le suivant, et y publie Adolphe.

Sous la Restauration

[modifier | modifier le code]

Benjamin Constant reprend la route de Paris le , à la suite de la dissolution de la Chambre des députés des départements, dix-sept jours plus tôt. Opposé aux Ultras, il fait paraître Des moyens de rallier les partis en France, et collabore au Mercure. Une fois celui-ci interdit par la censure, Constant est l'un des fondateurs et des principaux rédacteurs de La Minerve française, puis de La Renommée. Il y rédige aussi bien des analyses que des comptes rendus d'ouvrages, dont la teneur politique est généralement marquée. Cette activité fait de Constant l'une des personnalités en vue de la vie politique et l'un des leaders d'opinion du courant libéral. Il donne par ailleurs une série de cours à l'Athénée royal, dont la célèbre conférence « De la liberté des anciens comparée à celle des modernes » ; Constant y insiste sur le nécessaire intérêt des citoyens modernes à la vie politique : le système représentatif moderne décharge certes les citoyens du « travail » politique professionnel mais il exige cependant leur extrême vigilance et leur engagement participatif pour garantir l'exercice de leurs droits et la préservation de leurs jouissances privées. Ces deux systèmes découlent de plusieurs facteurs de distinction : différence d'échelles de sociétés, différence dans les manières d'accumuler les richesses, différence dans l'organisation du travail, et plus grande proposition de loisirs. Ainsi le temps accordé aux affaires publiques et aux affaires privées n'est pas le même dans ces deux types de société. Toutefois, comme le signale Louis Lourme : « l'ensemble du dernier paragraphe de l'essai semble essayer de concilier l'inconciliable : l'État devrait permettre l'élévation morale des citoyens et les engager à participer à la vie politique, tout en veillant soigneusement à ménager leur indépendance (...) ce paragraphe peut être lu comme la défense, d'une certaine vision de l'homme, appelée à ne pas se contenter des aspirations individuelles, privée ou égoïste ». N'est-ce pas là un façon de désigner l'aporie de la raison libérale dont Constant fut l'un des plus éminents représentant ?

Dès 1817, Constant aspire à compléter son activité journalistique par un mandat électif ; mais sa personnalité, son passé ainsi que ses livres et ses articles lui suscitent de tenaces inimitiés auprès du gouvernement et des royalistes. Conscient que l'épisode des Cent-Jours lui a valu autant d'incompréhensions que d'ennemis, Constant ressent le besoin de se justifier, et il fait alors paraître les Mémoires sur les Cent-Jours ; de même cherche-t-il à faire valoir l'immutabilité de ses opinions libérales en publiant un recueil de ses textes, le Cours de politique constitutionnelle. Cela ne suffit pas immédiatement à lui valoir une élection : battu une première fois à Paris en 1817, Constant est encore vaincu de quelques voix l'année suivante lorsque le ministère lui fait obstacle en lui opposant le grand industriel Ternaux, pourtant lui-même plus proche des libéraux que de la majorité ministérielle.

Lors d'une élection complémentaire au printemps 1819, Constant est finalement élu le par la Sarthe (667 voix sur 1 051 votants et 1 490 inscrits), dont la délégation au Palais Bourbon comprend déjà le général La Fayette. Constant monte pour la première fois à la tribune le  ; tout au long de son mandat, Constant essaie d'orienter dans un sens plus libéral la marche du ministère, sans grand succès puisque le centre (ministériel), la droite et les ultras sont toujours majoritaires au cours de cette législature, surtout après l'assassinat du duc de Berry et le virage à droite pris alors par le gouvernement en réaction. Siégeant parmi le côté gauche de la Chambre, au sein de l'opposition libérale en compagnie de Voyer d'Argenson, Lafayette, Chauvelin, Laffitte, Dupont, Manuel, Foy, Martin de Gray ou Daunou, Constant défend les principes de la Charte, la liberté de la presse, les acquéreurs de biens nationaux, la liberté individuelle, la liberté religieuse, s'oppose aux lois d'exception, combat l'esclavage.

En , après une polémique dans la presse, il se bat en duel avec Joseph Forbin des Issarts. Réélu aux élections de député du 4 arrondissement de Paris par 737 voix sur 1 355 votants 1 475 inscrits. D'abord contestée à cause de sa nationalité suisse, son élection est finalement validée. Puis, aux élections du , il est réélu à la fois dans la circonscription de la Seine, où il obtient 1 035 voix sur 1 183 votants et 1 291 inscrits, et dans le 2 arrondissement électoral du Bas-Rhin (Strasbourg), avec 124 voix sur 243 votants et 268 inscrits ; il choisit la seconde. Durant ces deux législatures, il s'oppose aux lois sur le sacrilège, sur le droit d'aînesse (1826) et « de justice et d'amour » contre la presse (1827). L'un des 221 en 1830, il est réélu à Strasbourg le par 201 voix sur 275 votants et 296 inscrits.

Portrait de Benjamin Constant.

Chef de file de l'opposition libérale de gauche (connue sous le nom des « Indépendants »), il est l'un des orateurs les plus éloquents de la Chambre des députés. Passé sans enthousiasme dans l'opposition dynastique après les ordonnances de juillet, il contribue à l'avènement de Louis-Philippe, qui le soulage de ses soucis financiers en lui faisant un don de 300 000 francs, tout en protestant que « la liberté passe avant la reconnaissance ». Le , après l'abdication de Charles X, le 2 août, il est nommé président d'une section au Conseil d'État. Réélu le avec 208 voix sur 237 votants et 279 inscrits, il prononce son dernier discours à la Chambre le 19 novembre.

Fragonard, Madame Récamier, amie et correspondante de Constant.

Malade, il meurt le à 17h au bain Tivoli. Des funérailles nationales lui sont organisées le  ; entre cent et cent cinquante mille personnes suivent le convoi funèbre, ce qui en fait l'un des cortèges les plus importants de la Restauration et du début de la monarchie de Juillet en l'honneur d'un homme politique. Au cours de la cérémonie, des jeunes gens veulent porter son cercueil au Panthéon, mais ils en sont empêchés. Un député ayant également sollicité cet honneur pour le défunt, la proposition est mise au vote, et n'obtient pas la majorité. Benjamin Constant est donc inhumé au cimetière parisien du Père-Lachaise (29 division).

L'affaire Wilfrid Regnault

[modifier | modifier le code]

En 1817, il prend fait et cause pour Wilfrid Regnault. Celui-ci, accusé d'avoir assassiné une veuve à Amfreville, un village de Normandie, est condamné à mort le par la Cour d'assises de l'Eure. Ce jacobin normand avait vécu à Paris et était soupçonné d'avoir participé aux massacres de septembre sous la Révolution.

Benjamin Constant, à la suite du jeune Odilon Barrot, avocat de Regnault, estime que la réputation de Regnault a contribué grandement à sa condamnation. Le maire d'Amfreville-la-Campagne est en effet un noble, ancien député ultra de la Chambre introuvable de 1815. Il a participé à l'enquête, et s'est par la suite avéré l'auteur d'une note, parue dans la presse, calomnieuse à l'égard de Regnault. Constant reprend tous les éléments de l'enquête et poursuit via ses écrits la démarche que les avocats de Regnault avaient commencée : il confronte les témoignages, fait dresser un plan du village d'Amfreville, répertorie les incohérences et les contradictions des témoignages et lance une campagne de presse en faveur de Regnault, analysant toutes les incohérences de l'accusation une à une, avec autant de précision, de verve et de rigueur que Voltaire dans l'affaire Calas.

Les différentes voies judiciaires n'ayant pas abouti à sauver la tête de Regnault, le dernier recours est en effet l'instance royale, au moyen de l'opinion publique. Constant obtient, à la suite de la publication de deux brochures intitulées Lettres à Odilon Barrot, et de la campagne de presse qui suit, la commutation de la peine en vingt ans d'emprisonnement (au grand dam des ultras) à défaut de la reconnaissance de son innocence et de la grâce. Regnault sortira de prison en , et n'aura jamais rencontré Benjamin Constant.

À travers cette affaire particulière, c'est le droit, pour chaque personne, de combattre une décision judiciaire inique que défendait Constant. Dans un article paru dans La Minerve en mars 1818, il explique : « Encore un mot sur le procès de Wilfrid-Regnault », il écrit : « C'est aujourd'hui plus que jamais que les formes doivent être respectées [?], que tout Français a le droit de s'enquérir si on les observe, si toutes les vraisemblances ont été pesées, tous les moyens de défense appréciés à leur juste valeur. » Il ajoutait que « mille motifs se réunissent pour entraîner les hommes, sans qu'ils s'en doutent, hors de la ligne, devenue étroite et glissante, de la scrupuleuse équité. »

  1. ? « Benjamin Constant de Rebecque (1767-1830) », sur Musée virtuel du protestantisme (consulté le )
  2. ? (en) Schermerhorn, Elizabeth (préf. Fernand Baldenspreger), Benjamin Constant : His Private Life and his Contribution to the Cause of Liberal Government in France, New York: Haskell House Publications, (ISBN 0-8383-1199-7, lire en ligne), p. 222
  3. ? The Cambridge Companion to Constant, Assets.cambridge.org (lire en ligne)
  4. ? Daniel Robert, « Constant (de Rebecque), Henri Benjamin », dans Jean-Marie Mayeur, Yves-Marie Hilaire, André Encrevé (dir.), Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, Éditions Beauchesne, 1993, 531 pages, p. 138-140 (ISBN 2701012619).
  5. ? « Benjamin Constant », dans Jean-Claude Polet, Patrimoine littéraire européen, tome 10: « Gestation du romantisme, 1778-1832 », De Boeck Université, 1998, 1200 pages, p. 645-647.
  6. ? Dominique Verrey, Étienne Hofmann, Chronologie de la vie et de l'?uvre de Benjamin Constant, Slatkine, 1992, tome I, 740 pages (ISBN 2051011990).
  7. ? Gérard Minart, Benjamin Constant, économiste. Pour un libéralisme économique qui concilie efficacité et justice, Paris, L'Harmattan, coll. « L'esprit économique », (ISBN 978-2-343-16386-4, EAN 9782343163864, SUDOC 234328541, lire en ligne Accès payant), « Biographie commentée de Benjamin Constant »
  8. ? Winegarten, Renee, Germaine de Staël & Benjamin Constant : a dual biography, Yale University Press, (OCLC 179832112, lire en ligne)
  9. ? Claudine Wolikow, « Henri Grange, Benjamin Constant amoureux et républicain 1795-1799 », Annales historiques de la Révolution française, n 343, janvier-mars 2006, p. 232-234.
  10. ? Le Constitutionnel, 16 mai 1824, Ibid., 22 mai 1824 : une commission de la Chambre des députés examine sa condition de Français, discutée et débattue, et conclut qu'il est en droit de bénéficier de cette loi, et siéger à la Chambre, grâce à sa filiation, maternelle notamment. La loi de 1790 déclare : « Toutes personnes qui, nées en pays étranger, descendent, en quelque degré que ce soit, d'un Français ou d'une Française expatriés pour cause de religion, sont déclarés naturels français et jouiront des droits attachés à cette qualité s'ils reviennent en France, y fixent leur domicile, et prêtent le serment civique ». Cf. aussi Jacques Pannier, Bulletin historique et littéraire (Société de l'Histoire du Protestantisme Français), Vol. 40, No. 7 (15 juillet 1891), pp. 329-337, et Patrick Cabanel, « Une loi du retour (15 décembre 1790) : réparation nationale et crispations nationalistes sur le thème du retour des huguenots », Diasporas Histoire et Sociétés (Presses universitaires du Mirail), n° 8
  11. ? Jean-Michel Rat et Rénée Baure, Luzarches : Histoire d'une ville en pays de France, des origines à 1914, Syndicat d'initiative de Luzarches, Luzarches, 1983, 164 p., (ISBN 978-2-904494-00-0), p. 76.
  12. ? Étienne Hofmann, Les « Principes de politique » de Benjamin Constant, Librairie Droz, 1980, vol. 1, 419 pages, p. 187-193 (ISBN 2600046747).
  13. ? Jean René Derré, introduction à Wallstein : tragédie en cinq actes et en vers, de Benjamin Constant, Les Belles lettres, 1965, 262 pages, p. 4 ; Germaine de Staël-Holstein, Correspondance générale : 9 novembre 1805 - 9 mai 1809 (édition établie par Béatrice Watson Jasinski), Klincksieck, 1993, 671 pages, p. 622 (ISBN 2252027797).
  14. ? Benjamin de Constant, « France. Paris, 18 mars », sur Gallica, Journal des débats politiques et littéraires, Paris, (ISSN 1770-619X, consulté le )
  15. ? Aurélien Berlan, « Participer ou être représenté : Benjamin Constant « liberté des Anciens, liberté des Modernes » », sur Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe - EHNE, mis en ligne le 11/04/22 (consulté le )
  16. ? Benjamin Constant, De la liberté des Anciens comparée à celle de Modernes (1819), Notes et postface de Louis Lourme, Mille et une nuit, , 59 p. (ISBN 978-2-75550-570-2), p. 51
  17. ? Antoine Compagnon, « Littérature française moderne et contemporaine : histoire, critique, théorie », L'annuaire du Collège de France. Cours et travaux, n 117,‎ , p. 385?404 (ISSN 0069-5580, DOI 10.4000/annuaire-cdf.14252, lire en ligne, consulté le )
  18. ? https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k365263.r Recueil des inscriptions parisiennes : 1881-1891 / Ville de Paris
  19. ? Emmanuel Fureix, La France des larmes, Champ Vallon, 2009, p. 372s.
  20. ? La Minerve, tome 1, p. 266, mars 1818.
La suite sur Wikipedia...